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D’anciens ministres impliqués ?

Affaire Khalifa



par Hani Rabah , Le Jeune Indépendant

Au moins trois anciens ministres devraient être auditionnés par les juges d’instruction chargés de faire toute la lumière sur cette affaire des «dépôts à terme». Selon des sources proche, du dossier Khalifa l’audition de dizaines de responsables d’entreprises publiques économiques, notamment dans le secteur des travaux publics et bâtiments, de directeurs généraux des OPGI, une quarantaine, de hauts cadres responsables de caisses nationales, comme la CNAS et la CNAC, de compagnies d’assurances, ainsi que de mutuelles et autres institutions ou organismes se poursuit à un rythme effréné depuis plusieurs jours.

Les mêmes sources révèlent que le montant exact de ces dépôts s’élève à 47,639 milliards de dinars, dont les premières opérations avaient commencé en 1999 et se sont accentuées dès la fin de l’année 2001 et 2002, voire en 2003, alors que la banque Khalifa se trouvait déjà sous administration de la Banque d’Algérie, une situation qui interdisait tout mouvement de capitaux.

Ces auditions concernent également de hauts responsables au niveau des ministères des Finances, de l’Habitat, des Ressources en eau, de l’IGF (Inspection générale des finances) et de la Banque d’Algérie. Selon les premiers éléments de l’enquête et les documents versés dans le dossier dit des «dépôts à terme», des témoignages font état de plusieurs irrégularités dans la gestion des fonds.

Ces auditions révèlent que ces responsables publics ont reçu des injonctions de la part de leur tutelle pour orchestrer ce mouvement de capitaux sous le fallacieux prétexte que les taux d’intérêt de Khalifa Bank défiaient toute concurrence (on parlait de 15%, voire de 19 %), alors que les autres banques publiques appliquaient un taux d’intérêt qui variait entre 5 et 7,75 %.

Des injonctions ? Pour ces sources, il y a eu aval des tutelles, c’est-à-dire soit des holdings ou SGP actuellement, soit des ministres. Car, on n’arrive pas à comprendre comment ces mouvements de capitaux ont changé de banque, sans aucune bonification, sans que ces responsables prennent la précaution d’établir des procès-verbaux dans leurs conseils d’administration, ou à la limite engager des concertations avec le partenaire social.

C’est ainsi qu’au moins trois anciens ministres seraient convoqués par les juges d’instruction, en tant que témoins dans cette affaire de dépôt. Il s’agirait de Tebboune, ancien ministre de l’Habitat, tutelle des OPGI, de Terbèche, ancien ministre des Finances et d’Attar, ancien ministre des Ressources en Eau qui aurait géré l’affaire des projets de cinq stations de dessalement d’eau de mer avec Khalifa Construction, filiale du groupe Khalifa.

Sur cette dernière affaire, les investigations ont révélé que plus de 67 millions de dollars se sont évaporés dans la nature sur un montant global de 250 millions de dollars. C’est une société belgo-saoudienne, basée au Luxembourg qui a joué le rôle d’intermédiaire dans l’importation de ces stations, dont aucune n’est arrivé à bon port.

Ces sources proches du dossier n’écartent aucune piste et aucune hypothèse quant aux suites judiciaires de cette affaire. Mieux, elles attendent d’autres développements importants, d’autant que de nouveaux éléments sont versés au dossier.

A ce propos, on cite le rapport d’un audit ordonné par l’ancien ministre délégué, chargé de la Réforme financière, Fatiha Mentouri, en mai 2001. Les conclusions de cet audit sur les pratiques du groupe Khalifa attirent l’attention du ministre des Finances de l’époque sur les pratiques frauduleuses de cette banque, tirant la sonnette d’alarme sur des contrats d’achats d’équipements ou de transferts de fonds.

Or, ce ministre a fait la sourde oreille par laxisme ou pour d’autres raisons, avant d’être écarté une année plus tard, le 20 novembre 2002. Dans sa correspondance adressée aux services du chef du gouvernement pour répondre aux conclusions de l’audit en question, Terbèche justifie son «inertie» par deux raisons : la non-reconnaissance de l’organisme qui a géré l’audit, estimant que seule l’IGF ou un autre organisme habilité pouvait mener ce genre d’investigation ; la seconde raison avancée par l’ancien commis de l’Etat fait état d’un «rapport non certifié».

Pourtant, la lecture de larges extraits de ce document d’audit demandé par Mentouri Fatiha aurait pu inciter le grand argentier du pays à prendre au moins des mesures conservatoires pour éviter l’escroquerie et la faillite du groupe en faisant appel aux structures habilitées par sa tutelle, comme l’Inspection générale des finances.

Les mêmes sources proches du dossier estiment que plusieurs zones d’ombre restent à éclaircir, notamment l’affaire des dépôts à terme et les responsables de ce transfert non justifié (on parle d’une ristourne de 3 % à chaque dépôt) risquent de tomber sous le coup de la loi, surtout l’article 119 du code pénal et l’article 422 révisé par la loi 88-26 du 12 juillet.

On n’exclut d’ailleurs pas que des inculpations éventuelles puissent être prononcées, impliquant de hauts cadres de l’Etat. H. R.



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Injonctions + impunité = golden boy

par Mohamed Zaâf , Le Jeune Indépendant, 25 août 2004

Les remous qui pointent à l’horizon avec la réouverture du dossier Khalifa annoncent des surprises qui risquent de dépasser les imaginations les plus audacieuses quant à l’échelle des hauts responsables impliqués dans le plus grand «hold-up légal» réalisé dans l’histoire de l’Algérie indépendante.

Des surprises certainement pas bonnes pour les soldats de la rapine, mais qui viendront mettre du baume au cœur aux victimes et relancer l’espoir quant à une réelle réhabilitation de l’autorité de l’Etat. Une autorité de l’Etat non plus pour réprimer seulement mais qui mettra fin à la trangression des lois et à l’impunité, à l’origine des fortunes sales amassées goulûment, concomitamment au terrorisme de nos populations.

Des directeurs d’entreprises font état d’injonctions pour expliquer les mouvements de capitaux vers Khalifa Bank. Le premier réflexe est alors de lorgner du côté des tutelles, le niveau hiérarchique logiquement en mesure d’émettre l’injonction.

Mais les choses s’arrêtent-elles à ce niveau ? Les tutelles produisent-elles l’injonction ou sont-elles de simples courroies de transmission ? Et pour ne pas déroger à la règle du «tutorat», en vogue actuellement chez nous, la question qui se pose est de savoir si les tutelles peuvent agir en bousculant les règles sans que la tutelle en chef intervienne.

Pis, le silence observé depuis 2001 sur le rapport de Mme Fatiha Mentouri fournit la preuve qu’on évite délibérément d’intervenir. Il aura fallu que le Président s’intéresse lui-même à l’affaire pour que les choses bougent finalement.

Et si personne n’osait s’y frotter auparavant, c’est que la force à affronter dépassait certainement en puissance celle décelable chez un simple ministre. Où commencent et où s’arrêtent les complicités dans l’affaire Khalifa ? M. Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, a promis que son département demandera des comptes à toutes les personnes ayant touché de près ou de loin à cette affaire, y compris celles qui savaient et qui s’étaient tues.

Ces propos venaient plus ou moins en écho aux revendications de M. Mohamed Boukhalfa, un vieux routier du FLN, actuellement à la tête du groupe présidentiel à la chambre haute. Que la justice soit alors appliquée et que l’Etat fasse en sorte que dorénavant personne ne puisse plus user et abuser de sa confiance ou des biens nationaux ! Qu’on mette fin à l’impunité, cela aidera au moins à ne plus donner à de la vulgaire ferblanterie le noble aspect de l’or ! M. Z.

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