El Watan,
Coup de théâtre à l’APN. Aucun projet de loi consacré aux réformes politiques n’a été approuvé dans sa version initiale, c’est-à-dire tel que conçu et voulu par le président de la République.
Les partis politiques formant l’Alliance présidentielle, censés porter le programme et les initiatives du chef de l’Etat, sont partis à contre-courant des vœux de Bouteflika !Le FLN, parti majoritaire dans cette Chambre basse, et son allié de l’Alliance présidentielle, le RND, se sont réjouis de l’adoption à l’unanimité, par leurs formations, de l’ensemble des projets de loi soumis au vote. Dans ce round d’un combat qui aura duré quelques semaines, l’intérêt partisan l’a emporté sur la défense du projet présidentiel. Ces textes de loi consacrés aux réformes politiques ont été vidés de leur substance par le FLN, qui dirige la commission des affaires juridiques à l’Assemblée.
Ainsi, toutes les dispositions controversées et ayant suscité une polémique lors des débats et au sein même du Conseil des ministres ont été tout simplement annulées ou retouchées par les élus du vieux parti. Attitude qui a irrité les députés des partis Ennahda et El Islah et celui de Louisa Hanoune, qui demandent au premier magistrat du pays de procéder à une autre lecture de ces projets, «déviés de leur trajectoire», disent-ils.
Le MSP a, pour sa part, créé la surprise en optant ni pour le «oui» ni pour le «non», mais pour la confortable abstention tout en invitant, par là même, le chef de l’Etat à sauver ses réformes politiques.
D’aucuns s’interrogent aujourd’hui sur le poids politique de Bouteflika. Est-il lâché par ses propres soutiens ? Les manœuvres partisanes des uns et des autres prouvent-elles que Bouteflika a perdu de son ascendant sur l’Alliance ou qu’il a laissé le champ libre pour qu’on ne lui reproche rien si les réformes ne marchent pas ? Ce sont, entre autres, ces questions qui taraudent les esprits à quelques mois des élections législatives.
Mercredi passé, lors de la séance de vote consacrée au projet de loi relatif au code électoral, les députés du FLN, du RND et les indépendants ont voté en faveur de l’annulation de l’article 67 du projet qui déchoit de son mandat électif tout élu qui aura rejoint, en cours de mandat, un parti politique autre que celui sous l’égide duquel il a été élu en qualité de membre de l’APN, du Conseil de la nation, d’une Assemblée populaire communale ou de wilaya. Cette disposition avait été défendue notamment par le PT, qui a perdu, tout au long de ce mandat, des élus ayant fait défection pour rejoindre d’autres formations.
Le FLN a également fait le forcing pour l’annulation d’un amendement de l’article 93 stipulant que les ministres candidats aux élections doivent quitter leurs fonctions trois mois avant la date du scrutin. Disposition proposée par le chef de l’Etat et supprimée par les élus du FLN. A l’exception donc du FLN, du RND et des indépendants qui ont voté pour, le PT, le FNA, El Islah ainsi que les dissidents du MSP ont voté contre ; les élus du MSP se sont abstenus de voter. Même scénario pour le vote du projet de loi organique définissant les modalités d’élargissement de la représentation de la femme au sein des assemblées élues. Ce texte, que certains observateurs qualifient de leurre et d’égalité de façade destinée à la consommation externe, a été approuvé par le FLN et le RND alors que leurs collègues du MSP et du PT se sont également abstenus. Ennahda et le FNA ont voté contre. Les articles 2 et 3 ont été amendés.
Projet de loi sur les quotas, le grand leurre
Ce dernier propose, dans sa mouture adoptée par le Conseil des ministres, une répartition des sièges selon le nombre de voix obtenues par liste. Les taux définis par l’article 2 sont obligatoirement réservés aux candidates selon leur classement nominatif dans les listes. Au quota de 30% de femmes sur toutes les listes électorales, tel que préconisé dans le projet initial, les députés, notamment ceux du FLN, ont préféré des pourcentages proportionnels au nombre de sièges par wilaya. C’est ainsi qu’ils ont décidé d’un taux de 20% pour les wilayas de 4 sièges, 30% pour plus de 5 sièges, 35% pour 14 sièges et plus et enfin 40% pour plus de 32 sièges.
La communauté algérienne à l’étranger a droit à un pourcentage de 50%. Dans les assemblées locales, ce taux pourra être inférieur à 30% dans les communes de moins de 20 000 habitants ; il sera de 30% dans les autres.
Ainsi, le texte sur le quota des femmes a vu rejetée l’obligation inscrite dans le projet initial de proposer un quota de 30% de femmes sur toutes les listes électorales ; a été écartée également la nécessité de les placer en tête de liste ou de leur accorder un pourcentage sur le nombre de sièges remportés. Conséquence : les partis ont toute latitude de placer leurs candidates en fin de liste, tout en ayant le pourcentage requis, en vue d’éviter aux hommes de perdre des sièges au détriment des femmes !
Si le PT est contre le principe des quotas, certains députés du FLN ont décrié les amendements introduits par leur formation au texte. «Ce projet est une discrimination territoriale et sexuelle à l’encontre des femmes», a regretté une députée. Un autre a rétorqué : «Pour imposer un quota de 30% dans les assemblées élues, le président de la République aurait dû donner l’exemple en nommant plus de femmes aux postes de ministre, wali ou chef de daïra...»
Quant au projet de loi organique définissant les cas d’incompatibilité avec le mandat parlementaire, les députés du MSP et du PT se sont abstenus, les députés dissidents du MSP ont voté «non» alors que ceux du FNA et du mouvement Ennahda ont quitté la salle avant le vote en signe de protestation contre le rejet de leurs amendements.
Nabila Amir