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Soyons lucides ! Que reste-t-il des promesses faites en avril dans son discours par Abdelaziz Bouteflika ? Rien ou presque.
Il est vrai que les promesses n’engagent que ceux qui les croient. En l’espèce, beaucoup d’Algériens subiront une douche froide quand ils comprendront que le président n’a aucune volonté d’engager le pays dans la voie de réformes profondes.
Le premier indicateur de maintenir le statu quo ? Aucun changement notable n’est survenu depuis le vent de panique qui avait pris les clients du régime à la faveur du "printemps arabe" : une économie immobile, des réformes molles et brouillées, mainmise autoritaire sur les leviers de communication, scandales de corruption à répétition, une justice avilie et aux ordres et intimidation des opposants.
Oui, sept mois après ce discours où le président avait le visage blanc et le geste lent, aucune réforme digne de ce nom n’a été concrétisée sur le terrain. Bien au contraire, l’Algérie officielle est depuis entrée dans un coma politique. Elle n’est réveillée de son ronronnement que par quelques soubresauts des inconséquences de notre diplomatie.
Oui, depuis le printemps, le bâillon est devenu cet étendard national que le régime a déployé avec brutalité pour "tuer" la révolte qui couvait dans la société. Toutes les contestations ont été étouffées dans l’œuf par le déploiement d’énormes forces de sécurité. Voire en distribuant l’argent à tout-va. La méthode est simple, on dit une chose et on fait son contraire. Bouteflika promet l’ouverture des chaines publiques (radio et télé), celles-ci sont toujours aussi hermétiques au moindre courant d’air qui viendrait de la société civile ou des formations de l’opposition. En clair c’est le changement dans la continuité. Secouons-nous ! L’ADN du personnel politique est immuable. Il est en effet impossible que ces hommes, qui ont toujours connu le parti unique, fonctionné dans l’esbroufe nationaliste, le népotisme, l’opacité, le mensonge, la répression, l’autoritarisme, daignent aujourd’hui mener des réformes "révolutionnaires" qui remettraient en cause leur fonctionnement. Ne nous trompons pas alors.
Alors que l’espace méditerranéen est entré dans une ère de formidables bouleversements politiques, le régime d'Alger se bunkérise et demeure sourd à toute ouverture, préférant garder le silence et jouer sur le temps. Alors que les présidents, ministres des pays riverains ont connu un rajeunissement, l’Algérie, avec une population majoritairement jeune, est toujours dirigée par les mammouths des années 1970. Des "politiques" qui ont fait leur classe pendant les années de plomb. L’horloge politique semble bloquée à cette époque.
En réalité, les promesses du président n’étaient que des paroles en l’air, bonnes à calmer la rue qui grondait de colère devant la gabegie, la corruption, le népotisme des clients du système. En somme, un leurre de plus du président qui a toujours gardé sous sa manche un agenda caché. Les desseins du président et de son frère n’ont pas fondamentalement changé depuis des années. Juste des réajustements de circonstance pour faire bonne figure, tromper les derniers naïfs qui croient encore qu’Abdelaziz Bouteflika et les notables qui le portent à bout de bras est porteur de changement. La thèse de l’homme providentiel, vieille comme le FLN des années 1970, a vécu.
Des révolutions populaires sont certes passées par là, comme on l’a écrit, mais le calendrier politique d’Abdelaziz Bouteflika est figé à cette page qu’il a tracée pour son frère Saïd (vice-président officieux), promis au trône de la République algérienne. Hosni Moubarak et Mouammar Kadhafi ont échoué à transmettre le pouvoir à leur rejeton. Bachar Al-Assad barbote dans le sang du peuple syrien pour se maintenir au pouvoir. Mais en Algérie, les jeux ne sont pas encore faits. Le plan se poursuit.
Mohamed Benchicou l’avait écrit en juin 2009. "Saïd Bouteflika ne va pas s'appuyer sur les anciennes structures discréditées, le FLN ou le RND, mais sur les forces qui, pense-t-il, vont donner au système une nouvelle "légitimité" : une coalition impliquant la société "civile" et les islamistes ! C'est le but de l'amnistie" (1). Les lignes n'ont pas bougé depuis. Bouteflika n’a toujours qu’un seul objectif : réhabiliter le parti dissous (sous une autre forme mais avec le même fonds idéologique) et redessiner un paysage politique de telle sorte à le mettre sous les pieds de son frère. Tout un programme, le seul, le dernier sans doute avec la Grande Mosquée qui lui tient à cœur, semble-t-il. Tout le reste n’est que simagrées, bluff, dissimulation.
Pour arriver à ses fins, les rôles sont diaboliquement distribués. L’Assemblée, l’alliance présidentielle sont les bras manipulateurs et de brouillage des pistes. Certains arguent que l’APN a détricoté les réformes du président. Mais c’est ignorer le partage des rôles entre l’alliance et le président. Pas de quoi fouetter un chat ! En vrai, l’APN a appliqué les instructions du président à la lettre. Comme pour le viol de la Constitution en 2009.
Les députés de l'alliance ont été choisi pour leur degré de soumission au "maître de l'heure". Oui, depuis quand les députés du FLN ou du RND s’opposent aux oukases du président ? Jamais.
L’autre objectif donc : redessiner le paysage politique. Il a déjà commencé avec l’annonce d’arrivée de nouvelles formations politiques. Amara Benyounès, soutien patenté du président depuis 10 ans, Abdellah Djabellah, l’autre caution islamiste avec Mohamed Saïd et Sid Ahmed Ghozali, enfant du système si l’on est, vont avoir les agréments qu’ils attendent depuis pas mal d’années.
Ainsi, à la faveur de nouvelles alliances, attendons-nous dans les mois qui viennent à ce fameux changement dans la continuité avec une reprise en main du frère du président.
Sofiane Ayache
Lire : Saïd Bouteflika ou la nouvelle "légitimité" du système (PREMIERE PARTIE)