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J’étais au consulat d’Algérie de Montpellier le jour de l’agression

 

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Les deux filles de la dame agressée au consulat algérien de Montpellier

Après notre article "Agression d'Algériens au consulat de Montpellier" (*), nous avons reçu des témoignages d'émigrés témoins des évènements. Dont celui que nous vous proposons.

Ressortissant franco-algérien, cadre commercial, demeurant à Ales, je me suis rendu au consulat d’Algérie de Montpellier  le samedi 10 décembre 2011 afin d’établir une procuration pour mon cousin en Algérie.  Par précaution, j’avais pris le soin de téléphoner le jeudi  8 décembre pour confirmer que le consulat était ouvert samedi.

Or j’apprends, en arrivant, que le consulat est fermé parce qu’un ministre algérien y donne une conférence.

D’autres personnes, venues de Carcassonne, Port Vendres ou Béziers, étaient dans le même cas que moi, mais aucun responsable n’était capable de nous expliquer pourquoi les services administratifs du consulat étaient fermés puisque la conférence du ministre ne concernait que des cadres de haut niveau venus de plusieurs régions de France, selon les premières informations glanées devant la porte du consulat.

J’ai alors vu arriver un très grand nombre de personnes en costume cravate, munis des bonnes invitations, plutôt fières de ne pas être confondues avec les immigrés de base que nous étions puisque le service d’ordre nous refoulait pour leur laisser la voie libre. Lorsque j’ai appris que beaucoup d’entre eux étaient médecins (et même chefs de service) j’ai de suite pensé au désarroi de mon cousin qui n’arrive pas à rencontrer un cardiologue depuis six mois. 

Pourquoi la tenue d’une conférence  pour des "compétences nationales" (c’est ce qui était écrit) empêche le personnel administratif de recevoir les citoyens ordinaires comme moi venus régler leurs démarches, sachant que la circonscription consulaire couvre toute la région du Languedoc-Roussillon et l’Aveyron ? C’est la première énigme mais également la première injustice pour un père de famille et son épouse qui ont payé 80 euros  de train pour rien.

Un peu après, j’ai vu arriver un groupe de personnes qui ont commencé à parlementer avec les vigiles mais qui, manifestement, n’étaient pas dans les petits papiers du consulat ; un agent est venu leur dire qu’il ne fallait pas insister puisqu’ils n’étaient pas dans les listes. Leur âge et leur façon de s’exprimer montraient bien qu’ils étaient, eux aussi, des Algériens diplômés des grandes universités. J’ai même entendu l’un d’eux dire au guichetier que c’était lui qui avait supervisé  le passage technique du franc vers l’euro dans tous les services du consulat.

La seule différence avec les invités officiels du ministre et du consul c’est qu’ils se faisaient "reconduire à la frontière" (la porte du consulat n’est-elle pas une frontière ?) et qu’ils n’allaient pas repartir sans exprimer une colère digne et légitime.

Mon cousin me relate souvent au téléphone comment en Algérie des citoyens occupent une mairie ou une daïra ou encore comment des jeunes bloquent une route nationale pour attirer l’attention des autorités d’Alger. Mais ce jour là, j’étais juste à côté d’Algériens courageux qui vont investir le hall d’entrée du consulat et vont placarder sur les vitrines des mots d’ordre, ô combien, significatifs : "Benani consul Dégage !" ou "Le consulat n’est pas une propriété privée".

Ils avaient  d'abord réussi à repousser la porte métallique qu’un vigile maintenait à peine ouverte et une fois, dans le hall, ils ont longtemps crié : "Nous sommes tous des Algériens". Dans le feu de l’action, nous avons été nombreux à crier comme eux car nous sentions instinctivement qu’ils n’étaient pas des larbins comme les mangeurs de soupe qui avaient défilé devant nous ca matin-là et qui nous avaient dévisagés  avec l’arrogance  de néo-colons. 

Lorsque nous  avons observé et écouté  ces hommes, nous avons tous compris qu’ils étaient de vrais patriotes, non autorisés à accéder à « leur » consulat  bien que premiers responsables d’une association régionale des Algériens (il y avait là le Président, deux Vice-présidents, le Trésorier et même le Président d’honneur !). Ils m’ont conseillé de visiter leur site internet pour garder le contact. La deuxième énigme, et également la deuxième injustice, est que le consulat organisait justement une conférence avec un ministre dont l’ambition est de faire participer des diplômés algériens au développement du pays.

Déçu par cette double injustice, j’ai salué chaleureusement ces Algériens d’âge mûr et j’ai peut être décidé, à ce moment là, de renoncer au programme d’approche commerciale vers l’Algérie que mon entreprise souhaite me confier depuis septembre  2011. 

Ce n’est que jeudi 15 décembre, en visitant le site de l’association ALR (assoalr.fr) que j’ai pris connaissance des incidents graves survenus dans le même consulat après mon départ. J’ai évidemment honte que des personnes soient agressées dans leur consulat et que cette femme enceinte (je m’en rappelle parfaitement) ait été jetée à terre au point de devoir la faire évacuer par le Samu.

J’ai d’autant plus honte que ces violences aient été exercées par le consul adjoint, le régisseur du consulat ainsi que par d’autres fonctionnaires, très certainement ceux que j’ai vus ce matin là. Je n’ai pas été surpris d’apprendre que ce sont les mêmes hommes qui sont partis secourir les trois algériennes séquestrées par les agents consulaires.

Et mon cousin, dans tout ça ? Et sa procuration ?

Figurez-vous qu’il avait suivi l’agression de nos compatriotes presque en direct sur les nombreux journaux algériens qui avaient repris l’information et publié de nombreux commentaires et photos. En prenant connaissance de ces informations dès samedi 10 décembre dans après-midi, il n’avait plus  osé m’appeler en pensant  que j’avais peut-être eu des problèmes à cause de lui et de cette satanée procuration. Il a alors raconté à la famille et à ses amis que j’étais sur le coup, que j’avais rencontré et parlé aux victimes de l’agression, que j’avais crié aussi fort qu’eux.

Lorsque je lui ai dit que je pensais encore à sa procuration, il me supplia de l’oublier et me recommanda de ne plus revenir au consulat car j’avais très certainement été filmé, ce qui s’avéra vrai, un des étudiants algériens à qui j’avais promis un stage dans mon entreprise, a été sérieusement intimidé par les fonctionnaires du consulat dès mardi 13 décembre, premier jour d’ouverture après les incidents. La dame enceinte qui a été jetée à terre a publié un commentaire sur les journaux en ligne pour dire sa détresse de ne plus pouvoir aller faire ses papiers là bas.

L’étudiant en question m’a même donné un scoop en m’affirmant avec beaucoup de certitude que le régisseur-agresseur, un certain Abdeljalil, n’était rien d’autre que le fils de l’ambassadeur d’Algérie en Ukraine et qu’il était là à Montpellier parce que son père avait protégé le frère du consul de Montpellier, son patron, impliqué dans un détournement de fonds à l’ambassade d’Algérie au Canada.

Lorsque je l’ai accompagné vers son lieu de stage à Vendargues, il m’a dit qu’il avait également appris par une copine à lui que le jeune homme chargé de transporter la valise diplomatique de notre consulat s’appelait François, un  fils de harki qui bénéficiait d’un visa gratuit permanent pour se rendre en Algérie.

Du beau monde, n’est-ce pas ?

Je remercie aujourd’hui mon cousin et sa procuration grâce à qui j’ai rencontré des Algériens exemplaires, découvert la face cachée de l’iceberg (mon père interdisant toute critique de l’Algérie), et surtout compris pourquoi, à partir d’une minuscule parcelle d’Algérie, mon pays n’était pas un Etat de droit  mais bien l’embryon socialement structuré  d’une nouvelle maffia.

Kader Algérois

Les Près-Saint-Jean, Alès

(*) Agression d'Algériens au consulat de Montpellier

 

http://www.lematindz.net/news/6690-jetais-au-consulat-dalgerie-de-montpellier-le-jour-de-lagression.html

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