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Le Premier ministre et la main de l'étranger

 

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Ahmed Ouyahia, Premier ministre.

"Certains, à l’intérieur, ont cru pouvoir récupérer les troubles de janvier 2011, alors que d’autres, à l’extérieur, espéraient régler leur compte avec cette Algérie qui, ayant retrouvé son indépendance financière, revendique désormais le droit de négocier les atouts de son marché prospère dans le cadre de partenariats mutuellement bénéfiques", dixit Ouyahia.

Institutions corrompues

Mais Monsieur le Premier ministre, est-ce la faute à l’extérieur si la corruption se socialise mettant en danger la sécurité nationale, où la majorité des rapports internationaux y compris ceux qui par le passé soutenaient l’Algérie, mettent en relief que le climat des affaires se détériore, que l’indice du développement humain est en régression, que institutions algériennes sont les plus corrompus du Maghreb et du monde arabe ? Est-ce la faute à l’extérieur si la gouvernance est mitigée et qu’existe une dévalorisation du travail et de l’intelligence au profit des rentes conduisant à un divorce croissant entre l’Etat et les citoyens comme le montre la dernière rencontre du Conseil économique et social qui d’ailleurs ne nous apprend pas grand-chose, la situation étant connue des experts et pouvoirs publics ? Est- cela faute à l’extérieur si les pouvoirs publics ont placé 94% des réserves de change (ce sont des calculs réalisés à partir de sources officielles) propriété de tout le peuple algérien à l’étranger dont 45% aux USA, 45% en Europe, certes en bons de trésor ou en obligations garantis par les Etats. Mais une fraction au sein de certains pays qui sont en semi-faillite et se pose pondéré par le taux d’inflation mondial leurs rendements. Par ailleurs 20% de ces placements avant la crise de 2008 étaient placées dans des banques privées cotées AAA mais qui ont été par la suite décotées. Cette part a été amenée à 2% en 2010 mais que sont devenus les rendements des 18% ?

Investissement de 200 milliards pour un résultat mitigé

Est-ce la faute à l’extérieur si, selon l’OCDE, l’Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats en référence à des pays similaires où le taux de croissance des entreprises concurrentielles auraient être dû atteindre plus de 10%. La dépense publique évaluée à 200 milliards de dollars entre 2004/2009 et 286 milliards de dollars entre 2010/2013, dont 130 de restes à réaliser, a eu un impact mitigé moyenne de 3% de taux de croissance, 80% des segments hors hydrocarbures étant eux-mêmes tirés par cette dépense publique via les hydrocarbures ? Qu’est-ce qui bloque puisque ce n’est pas une question de capital-argent mais de la transformation de cette richesse virtuelle (180 milliards de dollars fin 2011 de réserves de change (non compris les réserves d’or) en richesses productives ? Est-ce la faute à l’extérieur si les exportations sont dominées à 98% parles hydrocarbures à l’état brut et semi-brut et que l’Algérie importe 70/75% des besoins des ménages (voyez le gonflement entre 2010/2011 malgré toutes les mesures contenues dans les lois de finances 2009/2011 de la facture alimentaire et des médicaments) et des entreprises dont le taux d’intégration public/privé ne passe pas 15% ? Le mal n’est-il pas avant tout au niveau intérieur car vouloir déplacer les problèmes à l’extérieur, ne veut-on pas voiler les problèmes intérieurs de gouvernance et c’est selon mon point de vue une erreur stratégique ? La situation actuelle n’est-elle pas le produit historique du système bureaucratique rentier qui a changé de formes mais pas de fond depuis l’indépendance politique. Et ce ne sont pas des discours chauvinistes d’un autre âge, repris par quelques journaux dont le tirage ne dépasse pas la population d’un petit village vivant de la publicité de l’Etat ou l’ENTV dont la crédibilité est douteuse qui feront changer les opinons.

Monsieur le Premier ministre, je viens d’une longue tournée dans plusieurs rencontres internationales et tous les observateurs y compris les amis de l’Algérie arrivent à cette conclusion : l’économie algérienne est une économie totalement rentière tissant des liens dialectiques avec la sphère informelle spéculative en extension. Une révolution cultuelle afin de dépasser cette vision figée pour donner une image positive de l’Algérie. Tous les observateurs s’accordent pour dresser ce constat : l’Algérie mérite mieux mais elle est en plein syndrome hollandais. La réduction de la dette extérieure/intérieure, l’assainissement répétées des entreprises publiques, la recapitalisation répétée des banques publiques qui contrôlent 90% du crédit octroyée, la distribution de revenus sans contreparties productives, la stabilisation macro-économique artificielle le sont grâce à la rente des hydrocarbures. Monsieur le Premier ministre, devant cette situation qui touche à la sécurité nationale, nous aurions aimé connaître vos solutions. Comment comptez vous mettre en œuvre une réelle transition d’une économie de rente une économie hors hydrocarbures dans le cadre d’une économie ouverte. Lorsqu’on sait tenant compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales, de la forte consommation intérieure, des extrapolations d’exportation, que dans 16 ans l’Algérie sera importatrice de pétrole, dans 25 ans de gaz, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, avec une population qui passera de 36 à 45/50 millions d’habitants.

Monsieur le Premier ministre, avec la révolution des télécommunications, le monde est devenu une grande maison en verre. Il reste un seul pays dans le monde qui tient encore ce discours c’est la Corée du Nord. Le peuple algérien veut avoir un discours de vérité, rien que la vérité. Dans ce contexte je ne puis que m’étonner des déclarations en date du 2 janvier 2011 du ministre du Travail algérien qui avance une augmentation moyenne du pouvoir d’achat des Algériens de 41% entre 2002 et 2010 sans se référant à un indice d’inflation sous-estimée et sans se demander si ce ratio moyen a profité à la majorité de la population algérienne.

Monsieur le Premier ministre, pour l’avoir dénoncé souvent, je suis conscient de l’injustice de l‘actuel système économique et politique international et de l’urgence de sa refonte, d’ailleurs à l’origine des turbulences actuelles de l’économie mondiale. Mais la meilleure manière de protéger l’Algérie, d’avancer en ce monde impitoyable où toute nation qui n’avance pas recule est de réaliser la symbiose Etat /citoyens grâce à un dialogue soutenu, une participation citoyenne le pus grand ignorant étant celui qui prêtant tout savoir. Cela interpelle, les acteurs politiques notamment les partis FLN, RND et MSP qui sont depuis plus d’une décennie au pouvoir, et qui selon les données du Ministère de l’Intérieur, ces trois partis réunis avec tous leurs satellites dites société civile, ont obtenu aux dernières élections législatives 13% de voix par rapport aux inscrits. Ce taux d’abstention record risque de se reproduire en 2012 si la population ne voit aucun signe de changement. Il s’agit d’approfondir les réformes politiques, économiques et sociales solidaires concrètement et non seulement en votant des lois que contredisent souvent les pratiques quotidiennes de la gouvernance. En fait, il s’agit pour le devenir de l’Algérie, d’instaurer un Etat de droit, (une véritable indépendance de la justice pour les citoyens, éviter l‘instabilité juridique perpétuelle pour l’investissement), la finalité suprême étant une véritable démocratie tenant compte de notre anthropologie cultuelle, et donc de notre authenticité.

Professeur des Universités Dr Abderrahmane Mebtoul

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