Par : Mustapha Hammouche
Depuis quelques jours, le ministère de la Défense nationale appelle, par sms, les citoyens à contacter un numéro vert pour signaler des agissements susceptibles de relever de l’activité terroriste.
L’initiative ne manque pas de surprendre. La démarche traduit, en effet, une rupture avec la représentation de la situation sécuritaire que le discours officiel tente d’imposer depuis des années. Depuis le référendum pour “la paix et la réconciliation nationale”, en septembre 2005, il n’était plus question que de “paix revenue”. Jusqu’à ces derniers mois, la paix n’a fait que “revenir”. Comment interpréter l’appel à la vigilance citoyenne alors que jusqu’ici, il était question de désarmer les Patriotes engagés dans la lutte antiterroriste, sous prétexte que la “réconciliation nationale” avait réduit la nuisance terroriste à quelques irréductibles criminels, le plus grand nombre de “jeunes égarés” ayant répondu à l’appel de la nation clémente. Pas plutôt que le 15 avril dernier, le président de la république le rappelait : “après le recouvrement de la paix et de la sécurité, le lancement de programmes de développement ambitieux et la levée de l’état d’urgence, j’ai décidé de parachever cette démarche par un programme de réformes politiques, visant à approfondir le processus démocratique.”
Les “réformes” en cours de mise en œuvre sont donc elles-mêmes la preuve de la sécurité retrouvée. Faute de clarification politique préalable, le message téléphonique ne peut qu’intriguer. Au plan strictement sécuritaire, il n’y a de place que pour deux interprétations possibles. La première est que le pouvoir veut s’émanciper du discours désarmant de la “réconciliation nationale” sans supporter le coût politique de l’échec. Il a voulu faire oublier une phase historique et politique par la “réconciliation nationale” ; il est contraint de faire oublier la phase historique et politique de la “réconciliation nationale”. La seconde est que l’absence d’homogénéité entre l’approche politique et l’approche sécuritaire fait coexister deux politiques qui s’appliquent à deux réalités, l’une, magique, d’un pays pacifié sans coup férir, et l’autre, plus réaliste, d’un pays encore victime de la barbarie islamiste.
Peut-être que le sms en question, en plus d’être un appel salutaire à la vigilance civique, procède d’un effort de communication sur la mission de lutte antiterroriste. Ce qui explique la simultanéité avec la diffusion de reportages télévisés sur le sujet. Mais dans ce cas, la radio, la télévision et les journaux auraient été d’une meilleure efficacité parce qu’ils socialisent l’information, alors que le “short message” l’individualise.
En ces circonstances préélectorales, l’usage politique du sms tend à se dissimuler derrière son utilité civique. Pour cette raison, l’alerte au terrorisme aurait gagné à éviter la coïncidence avec l’approche des élections. Elle fait craindre la résurgence de la fonction épouvantail du terrorisme qui a longtemps justifié tant de restrictions aux libertés publiques et tant de manipulations politiques.
M. H.
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