Par : Mustapha Hammouche
Le ministre espagnol des Affaires étrangères a fait hier l’apologie des réformes dont les Algériens ignorent encore la consistance. Il aurait été plus courtois de nous laisser le temps d’en prendre connaissance, mais José Manuel Garcia Margallo ne donne pas beaucoup de crédit à notre jugement et préfère prendre les devants.
L’hôte de Medelci ne s’est pas arrêté à vendre aux Algériens leur réforme, il a conseillé “à tous les pays de la région qui ont connu des troubles” d’en faire un modèle. En attendant d’être au même niveau d’information que l’État espagnol sur ces réformes, on peut s’interroger sur les mobiles qui poussent l’Espagne, et d’autres États partenaires, à prendre part à la campagne de promotion des réformes promises par le président Bouteflika.
On sait qu’il y a quelques litiges pétroliers et gaziers qui attendent d’être résolus ; et il semble que, dans la plupart des puissances démocratiques, nous n’en sommes pas encore à l’ère des principes où les positions politiques ne se mesureraient plus à l’aune des avantages commerciaux qu’on en tire.
À propos de principes, l’Algérie et l’Espagne en partagent, justement, ce qui fait d’elles deux des dernières nations à mettre des crimes de masse à l’abri de la justice. L’Algérie a fait de l’impunité des terroristes un programme politique et l’Espagne a érigé l’amnistie des crimes franquistes en raison d’État.
En Algérie, la “Charte pour la paix et la réconciliation nationale” punit jusqu’au fait d’appeler un terroriste un terroriste pour le simple fait qu’il fût administrativement lavé de ses forfaits et élargi. Il bénéficiera même du titre, que lui-même refuse, de “repenti” par le seul fait d’avoir été arbitrairement élargi. En Espagne, le juge Garzon vient d’être banni de la magistrature pour avoir voulu… enquêter sur des crimes du régime franquiste. Il y a un vrai terrain de convergence philosophique entre les deux régimes, l’un voulant bâtir la démocratie sur une période indéfiniment enterrée de son histoire et l’autre promettant une démocratie qui concilie l’arbitraire et la liberté, le droit sur la vie et le droit à la vie.
En gros, les régimes algérien et espagnol ont tous deux un problème de mémoire. Si cela suffit à fonder une solidarité, cela se verrait dans d’autres aspects de leurs relations.
L’Espagne a le droit d’appliquer à sa démocratie la méthode de la culture sur brûlis. Mais cela commence à faire beaucoup que cette succession de délégations qui viennent témoigner, a priori, de la pertinence démocratique de nos réformes. De son côté, notre régime se fait un plaisir de répercuter le geste de “la main de l’étranger”, quand elle vient forcer l’opinion des Algériens. Il y a comme un appel à une espèce d’ingérence “positive”.
Nous n’avons pas su imposer le même rythme de croissance que l’Espagne, partie de plus loin et avec moins d’atouts, certes. Mais ce n’est que le fait d’un déficit de bon sens populaire. On sait encore discerner ce qui, politiquement, nous convient, même si nous n’avons jamais eu le choix.
N’est-ce pas assez pour que “des amis qui nous veulent du bien” s’y mettent aussi ?
M. H.
musthammouche@yahoo.