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“À la recherche du temps perdu”

Par : Mustapha Hammouche

Le pouvoir et les participants à l’élection d’aujourd’hui n’ont pas caché leur appréhension devant le fort taux d’abstention annoncé.
Depuis le vote des lois dites de réformes par l’Assemblée sortante lors de sa session d’automne, le régime maintient, malgré toutes les objections quant à leur contenu rétrograde, que celles-ci vont contribuer à l’approfondissement de la démocratie. Le procédé est conforme à la technique du martèlement communicationnel qu’il emploie pour imposer sa propre représentation de son action. La réconciliation nationale, le troisième mandat et d’autres actes d’autorité avaient ainsi bénéficié de ce procédé de tirs de barrage contre toute critique du fait accompli invariablement présenté comme fait de progrès. Il sera, cependant, plus difficile, dans le cas d’une opération électorale, de manipuler à l’outrance le taux de participation quand celui-ci reste à un niveau plancher, comme pressenti.
L’intervention de dernière minute du président de la République, survenue après la clôture de la période réglementaire de campagne, et après ses successives interventions vouées à la promotion d’une élection enfin “transparente”, confirme l’inquiétude du régime de voir l’électorat lui renvoyer le message de discrédit que renfermerait une abstention massive.
Avant-hier, à Sétif, Bouteflika semblait prendre acte des limites de l’argumentaire démocratique quand il émane de son régime.
Les trésors d’assurance quant à la sincérité de l’intention réformiste et à la régularité du scrutin n’ont pas eu d’effet mobilisateur au cours de la campagne électorale. Il décide alors de recourir à la virtualité d’une rupture générationnelle qui serait à même de passer “le témoin” aux jeunes, sa génération ayant “fait son temps”. Malheureusement, outre que la promesse n’est pas illustrée par le choix qui s’offre aux électeurs en cette occasion électorale, l’exercice de ses prérogatives de nomination n’a pas exprimé une réelle volonté d’intégration de la jeunesse dans la vie publique. Même lorsque de plus jeunes cadres accèdent à des responsabilités, ils sont préalablement soumis à la condition de formatage clanique.
Pour certaines fonctions gouvernementales, diplomatiques et militaires, leurs détenteurs ont dépassé les délais de retraite depuis de longues années. Mais, surtout, leur durée est due à la seule conception patrimoniale des fonctions de l’État. Celle-ci fonctionne, dans le système, comme un blocage quand il s’agit d’envisager l’arrivée au pouvoir — ou même parmi le pouvoir — de compétences ou de forces dont on n’a pas vérifié l’appartenance à la culture politique du sérail.
Il est regrettable, au demeurant, qu’une nouvelle génération de dirigeants ne se conçoive que comme successeur par nécessité d’une autre génération parvenue à l’âge de la retraite.
Depuis cinquante ans, l’impératif d’alternance et d’intégration de nouvelles générations a été méprisé au motif de la légitimité révolutionnaire. Des générations de potentiels ont été sacrifiées sur l’autel de l’ostracisme clanique hérité des guerres de pouvoir de l’avant et de l’après-Indépendance. Ayant fait l’impasse sur la jeunesse de l’Indépendance et sur celle de 1988, on se retrouve contraint de chercher une passerelle entre les jeunes de 1954… et ceux de 2014 ! Est-ce encore possible ?

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