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Appelez-moi Londres !

Par : Mustapha Hammouche

C’est entre sentence et exigence que la Banque d’Algérie exprime ses craintes sur le budget de l’État : connaître des difficultés de financement dans les prochaines années. “L’équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril.” Cette manière infantile d’appréhender la cause d’une imminente crise financière prouve que nos gestionnaires se sont définitivement installés dans le confort d’une situation de rente qu’ils croyaient éternelle. S’ils devaient manquer de ressources, ce serait à cause du marché du Brent.
Cela fait plus d’une décennie que le marché des hydrocarbures est favorable aux pays exportateurs. Depuis exactement 1999, le prix du baril n’a fait qu’augmenter, passant de 25 à 37, puis à 80 et atteignant les 145 dollars en 2008 avant de connaître une “baisse de correction”, dit-on, vers les 65-70 dollars en 2009 et de se stabiliser au niveau des 110 dollars les années suivantes. Et voilà que l’or noir embrasse une petite tendance baissière depuis avril 2012 et toutes nos autorités financières s’émeuvent et crient à la catastrophe imminente : treize ans de prospérité ne pourraient donc pas couvrir trois mois de récession !
En douze ou treize ans d’aubaine, il y avait tout le temps de préparer l’économie — et le budget de l’État, parce qu’en fait c’est le financement du budget qui angoisse nos dirigeants et non l’état socioéconomique du pays — à un retrait de la demande pétrolière. Au lieu de préparer le budget à une moindre dépendance des recettes d’hydrocarbures, le pouvoir l’y a soigneusement enchaîné.
Régulièrement informé du niveau des réserves de changes et de l’encours du Fonds de régulation des recettes (pour ce compte, on ne le fait plus depuis un certain temps), le peuple devait pourtant être rassuré sur son avenir : l’État thésaurise pour lui. Le pouvoir a fait
des comptes de l’État un slogan politique : ils sont l’expression de la bonne gestion du patrimoine commun. Au fait, le budget était calculé sur un prix prévisionnel de 19, puis de 37 dollars le baril ; on pourrait passer quelques années de plus avec les deux-tiers environ de différentiel, n’est-ce pas ? Pourquoi est-ce alors en 2012 que  la Banque centrale découvre que “la soutenabilité des finances publiques  à moyen terme doit désormais être un objectif stratégique des pouvoirs publics” ? Ah bon ? Parce que, jusqu’ici, c’était au bonheur la chance ?
Oui, quand on revoit la dérive dépensière qui a marqué la dernière décennie : des zaouïas et clubs de foot empochant des subsides de campagnes électorales aux “années” culturelles à répétition, des effacements de  dettes catégorielles aux cadeaux indemnitaires et augmentations des hauts cadres, tout sentait le magot qui grise.
Voici apparemment venu le temps de payer l’insouciance dépensière d’une décennie et le mépris affiché envers l’idée de développement d’une économie productive. Et le ministre des Finances commence par le commencement : les investissements et les salaires.
“En matière de salaires, nous avons atteint le plafond”, prévient-il. Peut-être, mais pas pour les greffiers, par exemple.
Un gouvernement est payé pour prévoir et prévenir la catastrophe, pas pour l’annoncer. Sinon, n’importe quel quidam saurait dépenser quand il y en a et se désoler quand il n’y en a plus.

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