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Le Ramadhan et les dieux du stade

 

Par : Mustapha Hammouche

La coïncidence entre le Ramadhan et les Jeux olympiques a imposé un débat dont l’ampleur et la publicité sont inédites.
Dès le début des grands médias du Moyen-Orient, leurs rédactions sportives ont été converties à l’islamisme par un capitalisme médiatique dont on observe l’orientation globalement intégriste. Cette situation nouvelle permet au courant islamiste d’introduire des thèmes politico-religieux là où il est théoriquement question de sport et de soumettre, ensuite, les acteurs du sport à l’épreuve du dogme, manière de poursuivre l’objectif d’uniformisation mentale des masses musulmanes, élites (sportives, dans notre cas) comprises.
En Occident, le communautarisme (Angleterre, Amérique du Nord) et l’électoralisme (voir le vote musulman des dernières présidentielles en France) imposent aux pouvoirs et aux médias d’enfourcher les questions soulevées par l’islam et par les télé-imams du Golfe.
Ce n’est pas la première fois que la question se pose pour les sportifs de confession musulmane qui participent aux JO (Moscou 1980)- ou à la Coupe du monde de football (Espagne 1982)-, mais c’est la première fois que la question est soumise aux délibérations universelles.
En 1982, personne en Algérie n’a pensé à demander aux joueurs de l’équipe nationale de dire s’ils ont jeûné ou pas. Mais vingt-six ans plus tard, Canal Algérie rattrapait le coup. Invité à l’occasion de son jubilé, en juillet 2008, le défenseur Megharia commit «l’impair» de suggérer qu’à Gijón les joueurs ne jeûnaient pas : “trois entraînements par jour”, disait-il, “et pas question de jeûner quand il s’agit de préparer un match au mois de Ramadhan”, ajoutait-il, sans vouloir délivrer quelque message particulier, mais s’en tenant, avec sa spontanéité, à la stricte narration des souvenirs. Il n’en fallait pas plus pour que l’animatrice s’affole et cherche à corriger le crime d’avoir laissé passer un message aussi impie à travers les ondes de l’État. Elle le reprit aussitôt : “Et vous rattraperiez les jours (de jeûne) par la suite !” Ce n’était pas une question, mais une mise au point : il ne sera pas dit — et à l’ENTV ! — que l’équipe nationale avait gagné la RFA avec des non-jeûneurs. La victoire est d’autant plus brillante qu’elle s’arrache dans les règles de l’art islamique.
Avant la génération des vigiles, la pratique individuelle ne faisait pas polémique. Pourquoi, aujourd’hui, alors même que nos athlètes en déplacement à l’étranger sont confondus de dopage et de vol à l’étalage, et alors même que la religiosité n’est plus une garantie de moralité, se soucie-t-on autant d’une question de rite ? Sûrement parce que ce qui est en jeu, ce n’est pas tant le respect du dogme mais, plutôt, le droit que pourrait s’arroger un athlète d’interpréter la règle du jeûne ou même de prendre des libertés avec la religion. Ce qui, en jeu, c’est que les sportifs, par le pouvoir que leur confère leur notoriété, puissent se mettre à échapper au mouvement d’uniformisation des consciences et de leur expression. Les artistes, cause perdue, on les agresse et les terrorise avec le spectre du blasphème qui appelle la vindicte ; les sportifs, on les harcèle par presse, fetwas…  et directives officielles interposées. Le tout est qu’aucune liberté ne doit dépasser d’une société uniforme que l’islam  est chargé de standardiser.

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