Espaces publics et trottoirs
Par : Noureddine BENABBOU
Pour avoir laissé faire pendant longtemps, l’autorité a du mal à faire accepter l’ordre à ces indus occupants qui croient être dans leur bon droit.
La modernisation de la ville passe d’abord par le respect des règles qui la régissent puis par le civisme. Depuis une dizaine d’années, les pouvoirs publics n’arrivent plus à faire respecter la loi sur l’espace public. Plus grave encore, le citoyen est racketté quotidiennement au vu et au su des élus locaux censés défendre les droits de leurs administrés. Outre les petites villes limitrophes telles que Arzew, Aïn El-Turck, Es-Sénia, Sidi-Chahmi, Gdyel, Béthioua, Misserghin… dont les espaces publics sont squattés au détriment du citoyen, à Oran, c’est l’anarchie. Les marchands de l’informel squattent plusieurs ruelles mitoyennes sans que les services concernés n’interviennent. Au marché de Petit-Lac, à la rue de la Bastille, à El-Hamri, à la Ville nouvelle, c’est le même constat. Ruelles, trottoirs et places publiques sont occupés illégalement par des vendeurs de tous bords. Fruits et légumes, vêtements, appareils électroménagers, téléphones portables, meubles et divers produits et objets sont étalés sur des espaces publics. “Oui ! La police intervient de temps en temps mais à chaque fois les revendeurs de l’informel reviennent car ils savent qu’ils ne risquent pas gros”, déclare un riverain de la place Nadjah située près du musée Ahmed-Zabana, avant de poursuivre : “Nous vivons le calvaire. Escroqueries, vols et agressions sont le lot quotidien subi par les riverains qui n’arrivent plus à quel saint se vouer.”
Outre l’informel qui squatte la ville tout entière, les commerçants légaux ne facilitent pas la tâche aux autorités compétentes. “Regardez ce magasin qui étale ses produits et ce patron de crémerie, ses chaises, sur le trottoir, c’est légal ?” s’interroge un habitant de l’avenue Choupot. Plus grave encore, des rues entières sont squattées par des pseudos gardiens qui obligent les conducteurs à payer le droit de stationnement sous la menace d’un gourdin ou d’une arme blanche en cas de refus. “Oui, les autorités de la ville sont au courant. Il m’arrive de payer cinq fois dans la journée le droit de stationnement sans broncher. Il (le gardien) risque de vous casser le pare-brise de votre véhicule. L’État est absent”, peste un jeune cadre. Cette situation est devenue intenable.
Les Oranais sont lassés de subir le diktat des squatteurs. “Même les ronds-points n’ont pas été épargnés durant ce mois sacré du Ramadhan”, confie Amine, un chauffeur de taxi. Mais pourquoi cette tolérance des pouvoirs publics ? “La raison est politique. Le chômage, l’exclusion et les différentes crises sociales ont poussé les autorités publiques à plus de tolérance. Non, ce n’est pas une solution, c’est l’anarchie. Il faut imposer le respect de l’espace public. Des cafetiers qui squattent le trottoir et bloquent le passage aux piétons est une infraction. Alors, il ne faut pas reprocher au piéton de circuler sur la chaussée. Les femmes sont les plus pénalisées”, fait savoir un sociologue.
D’autre part, l’espace public semble livré à lui-même. Des baraques de fortune, des tentes pour la vente des fruits et légumes sont dressées sur les trottoirs. “Cette année, l’APC a interdit la vente des fruits sur le trottoir de l’axe routier principal mais ailleurs c’est le désordre”, avoue un habitant de Fellaoucène. Et comme le squat de l’espace public est devenu tolérable, des automobilistes n’hésitent plus à garer leurs voitures sur le trottoir.
Certains, plus audacieux, ont procédé à des extensions de leurs commerces sur l’espace public sans être inquiétés. De leur côté, les élus locaux semblent s’y faire avec cette nouvelle donne en tentant des campagnes de récupération de l’espace sans résultat.