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L’industrie politique

 

Par : Mustapha Hammouche

On commençait à désespérer de voir repartir l’activité institutionnelle dans le pays, mais le président de la République a réapparu en public à la faveur de Leïlat el-Kadr.
Juste avant, le ministère de l’Intérieur, maintenu en veille pour cause de manifestations, a annoncé, en pleine léthargie institutionnelle, la création de nouveaux partis, enfin… de nouveaux sigles. Historiquement, un parti politique est le couronnement structurant d’un combat politique. C’est ainsi dans les contextes de fonctionnement démocratique qui organise la pratique politique légale comme dans les situations d’autoritarisme répressif qui contraint les militants à la clandestinité. Cela suppose, donc, une cause et des hommes qui ont dédié leur énergie et leur temps, voire leur vie, à cette cause. L’engagement dispersé d’individus précède la structuration qui fait d’eux des collectifs.
Ce fut le cas, en Algérie, au lendemain de la révolte d’Octobre 1988. Certes, des ambitions plus personnelles et égoïstes se sont agrippées au processus et des partis préfabriqués par le pouvoir ont été injectés dans le paysage politique pour y semer la confusion - et surtout pour pouvoir saborder toute entreprise malvenue de l’opposition – mais presque toutes les compostions politiques qui se sont structurées à cette époque renvoyaient à des itinéraires militants de personnes et groupes identifiés. Depuis, aidé par la terreur islamiste, le système a laminé le potentiel démocratique. La revendication politique des actuels “acteurs” du cinéma politique national se résume à une demande d’accès, même marginale, à des institutions rendues statutairement et matériellement très gratifiantes, mais dépouillées de toute influence politique.
Pour satisfaire cette nouvelle population “politique”, continuité des ambitions égoïstes des années 1990 “enrichie” des opportunismes politico-affairistes nés de la “réconciliation” mercantile des années 2000 et pour s’assurer ainsi une paix politique monnayée, le pouvoir algérien a inventé un mode de production spécifique de partis politiques. La démarche consiste non pas à choisir le parti à agréer mais à en choisir l’initiateur. Le procédé se révèle, jusque dans la procédure, à double étape : avant d’être autorisé à déposer un dossier d’agrément, il faut être autorisé à se réunir. Parce que, dans les faits, on n’est pas libres de se réunir et une réunion n’est pas autorisée juste par déclaration à l’administration.
La cause démocratique a été, en partie, décimée par le terrorisme, en partie, épuisée par la répression et, en partie, poussée à l’exil par les deux. L’avidité a largement remplacé la motivation politique, ce qui a fini par désespérer la base sociale de toute évolution démocratique par le multipartisme et, donc, par le vote. Pour le reste, la revendication démocratique a fui les partis, “la politique”, et s’est atomisée dans des syndicats, dans une partie des associations civiles, dans des créneaux de la presse privée, dans les réseaux sociaux... C’est sur les syndicats, les associations, les journaux et internet que se concentrent les blocages et la répression.
Si bien qu’aujourd’hui, il est plus difficile d’obtenir l’agrément d’un syndicat, d’une association de quartier, d’un journal qu’un agrément de parti. Là, le filtre est rodé : on peut passer à l’étape industrielle. La politique est désormais la première activité du secteur public.


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