Par Hakim Laâlam Email : hlaalam@gmail.com |
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Les Etats-Unis sur le point d’inscrire Mokhtar Belmokhtar, dit le «Borgne», sur la liste des cibles à abattre à l’aide d’un Drone. L’intéressé voit ça d’un très très… … mauvais œil Les mêmes mots ou presque. Peut-être une légère différence, au niveau de l’accent. Quoiqu’à l’est de l’Algérie, les similitudes phoniques sont frappantes, d’une proximité édifiante : «ta mort ne restera pas impunie !» «Nous jurons aujourd’hui fidélité à ton combat et à ta mémoire». Ou le fameux «l’intégrisme ne passera pas». Je n’ai pas encore entendu l’autre phrase culte «la peur doit changer de camp !». Mais les cimetières, qu’ils soient à Bentalha ou à Tunis, se vident tous de la même manière ou presque. D’un coup. Trop d’un coup, laissant là une tombe, fraîchement «fermée» au visage d’une veuve et d’enfants. Les lendemains, bien sûr, d’autres rassemblements. D’autres poings levés rageusement en direction des Frères Barbus qui, eux, attendent leur heure divine. Et puis, sans que l’on s’en rende compte vraiment, ceux que tu as croisés la semaine dernière lors de l’enterrement d’un autre camarade canardé au pied de sa barre d’immeubles t’écrivent, te mailent. Mais d’ailleurs. De France, de Belgique ou du Canada. Y a pas d’accent dans les lettres ou dans les mails. Y a juste cette phrase inamovible en bas de texte, assassine par son impudeur «tiens bon ! Le pays s’en sortira. Signé tartempion, de Montréal». Mon Dieu ! Les promesses faites aux morts sont identiques, d’Alger à Tunis. La terre est la même. Les veuves sont drapées dans la même dignité qui refuse l’abdication. Et les départs sont les mêmes. Tu ne t’en rends même pas compte, pensant marcher encore dans la rue, en masse compacte, alors que derrière, ce ne sont que grappes qui se flétrissent une à une. Demain, peut-être, tu n’auras plus envie d’aller marcher. Et le cimetière est tellement loin. Et les ronces ont repris leur droit d’invasion florale entre les tombes, rendant l’accès aventureux pour de vieilles guibolles flageolantes. Un pays qui se vide de sa substance ne fait jamais de bruit. Ou alors étions-nous devenus sourds à ce point au dévasement ? Ou bien ne s’agit-il finalement que d’un vulgaire phénomène physique. Reste que je n’ai pas entendu mes camarades s’éloigner définitivement des cimetières et des promesses enterrées profond. Ce silence d’un pays qui se vide et qui rompt ses engagements à partir des ponts de l'Alma et du boulevard Saint-Michel, je voudrais tellement que la Tunisie de Chokri Belaïd ne le vive pas à son tour. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. |