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Traitement de l’affaire Sonatrach, la cadence s’accélère

DES COMMISSIONS ROGATOIRES TRANSMISES AUX JUSTICES SUISSE, ITALIENNE ET ÉMIRATIE

Le procureur général de la cour d’Alger a rendu public, jeudi, un communiqué dans lequel il annonce une accélération de la «cadence» dans le traitement de l’affaire Sonatrach 2. Belkacem Zeghmati a précisé que le magistrat instructeur algérien avait transmis des commissions rogatoires aux juridictions italienne, suisse et émiratie.


Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - C’est la seconde fois en l’espace de quelques semaines que le procureur de la cour d’Alger intervient publiquement sur l’affaire Sonatrach. Une action de communication qui, semble-t-il, vise à «rassurer» l’opinion publique quant à la détermination de l’appareil judiciaire algérien à traiter cette affaire. «L’information judiciaire connaîtra, sans nul doute, une cadence accélérée dès réception des résultats des commissions rogatoires internationales par le juge d'instruction et la convocation ou l'émission de mandats de justice à l'encontre de toute personne impliquée sera requise», indique Belkacem Zeghmati dans un communiqué officiel transmis à l’APS. Les commissions rogatoires auxquelles il est fait référence ont été transmises aux justices suisse, italienne et émiratie. «Le juge d'instruction a eu à décerner plusieurs commissions rogatoires internationales à destination des autorités judiciaires suisses, italiennes et émiraties.» L’Italie semble être une priorité. C’est le pays où le scandale Saipem a éclaté suite à une enquête concernant une série de pots-de-vin accordés à des responsables algériens en contrepartie de marchés dans le secteur des hydrocarbures. Outre les dirigeants de Saipem et du groupe ENI, le tribunal de Milan a confirmé l’implication de l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil ainsi que Farid Bédjaoui, neveu de l’ex-ministre des Affaires étrangères Mohamed Bédjaoui. «Le juge d'instruction a sollicité l'accord des autorités judiciaires italiennes en vue de se déplacer personnellement à Milan (Italie) dans le but de rencontrer ses collègues italiens en charge du dossier ouvert à leur niveau pour des faits similaires», note à ce sujet Zeghmati.
Bédjaoui à la loupe
Pour ce qui est des justices suisse et émiratie, les commissions rogatoires devraient être axées sur Farid Bédjaoui. En Suisse d’abord où son nom est cité depuis 2010 dans un autre scandale : l’affaire Ryadh Benaïssa. Ancien vice-président du groupe canadien SNC Lavalin, il est actuellement en détention préventive en Suisse pour escroquerie, corruption et blanchiment d’argent. Les enquêteurs ont découvert des virements bancaires effectués par le groupe canadien en faveur de Farid Bédjaoui. Mais l’essentiel des informations concernant cet individu se trouvent aux Emirats arabes unis, à Dubaï précisément. C’est dans cet émirat que Farid Bédjaoui a concentré la quasi-totalité de ses activités. Rayan Asset Management, une entité affiliée au fonds d’investissement américain Russell Investments, est la pièce maîtresse de l’empire qu’il a bâti grâce à l’argent public de l’Etat algérien. Selon certaines sources, les autorités de cet émirat connaissent parfaitement le profil et les activités de ce businessman qui vit avec son épouse et ses six enfants dans une grande propriété à Emerites Hills. Reste à savoir si les Emiratis se montreront disposés à collaborer avec la justice algérienne.
Conventions
Théoriquement, l’échange d’informations ne devrait pas poser de problème puisque l’Algérie est signataire de conventions judiciaires avec les Emirats arabes unis, tout comme l’Italie et la Suisse. Signé en juin 2006, l’accord avec la Confédération suisse prévoit l’octroi de l’entraide judiciaire pénale dans toute enquête ou procédure visant des infractions. Les conventions avec l’Italie et les Emirats sont encore plus larges. Outre les procédures d’échanges d’informations dans le cadre de commissions rogatoires, l’Etat requérant a la possibilité d’introduire une demande d’extradition. Une procédure qui pourrait être appliquée dans le cas de Farid Bédjaoui. Dans le cadre des procédures d’échanges d’informations, le processus inverse a déjà débuté puisque dans son communiqué, le procureur général de la cour d’Alger indique clairement que la justice algérienne a été destinataire de commissions rogatoires en provenance «de ses homologues étrangères». Pour les faits qui se sont déroulés au Canada — notamment les marchés accordés au groupe SNC Lavalin — la justice algérienne risque d’être confrontée à un véritable blocage puisque les deux pays ne sont pas liés par une convention.
L’énigme Khelil
Que va faire la justice algérienne dans le cas de Chakib Khelil ? Dans le communiqué du procureur général de la cour d’Alger, il n’est pas fait référence à la justice des Etats-Unis d’Amérique, pays où résiderait l’ancien ministre de l’Energie et des Mines. Pourtant, les Etats-Unis et l’Algérie sont liés depuis juin 2011 par un Traité d’entraide judiciaire en matière pénale qui, dans le cadre de cette affaire, offre des mesures pratiques au magistrat instructeur algérien. Le traité permet en outre «l’exécution des demandes de perquisition et de saisie, l’assistance, l’identification, la localisation, le gel, la confiscation et le recouvrement des produits ou instruments du crime». Il est évident que dans un dossier aussi sensible, les magistrats risquent d’être confrontés à des contraintes d’ordre «politique ». D’où la précision de Belkacem Zeghmati : «Si, certes, l'identité des personnalités algériennes, ministre ou cadres de la Sonatrach, visées dans cette affaire, a été clairement portée à la connaissance de l'opinion publique par les organes d'information nationaux et étrangers, la loi algérienne n'autorise pas l'autorité judiciaire à le faire avant leur inculpation officielle.»
T. H.

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