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L’économie selon Boumekri

 

 

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Il a probablement 45 ans, mais avec l’inflation, il doit être plus proche de 55. Boumekri est un ex-cadre au ministère du Commerce, licencié pour avoir mis trop de sucre brésilien dans son café colombien, ce qui constitue une infraction au code des marchés. Mais avant de partir monter une table au marché de son quartier, il a résumé, à peu près en ces termes, l’état de l’économie nationale : l’Algérie importe du kif, exporte des présidents, vend des contrats, achète du blé, loue des Chinois, importe des chevaux et exporte des cerveaux, vend quelques dattes mais mange beaucoup de bananes, s’équipe en biens mais les gère mal, gâche ses ressources, imprime de la monnaie mais dévalue sa valeur, paye des commissions pour acheter du vent et importe des amandes pour faire des gâteaux. 

Justement, Boumekri adore les gâteaux. Il a donc analysé la facture sucrée-salée de l’import-export : l’Algérie exporte des harraga et importe des bateaux, vend du pétrole et achète de l’essence, importe des usines et exporte des factures, efface les dettes africaines et achète des bons du Trésor américain, importe des compétences étrangères et exporte ses propres cadres, nationalise les privés et privatise les nationaux, distribue du gaz et cherche de la lumière, creuse des trous et vide ses coffres, finance des faux projets et sucre tout le monde au passage. Justement, Boumekri est un gros gourmand, il adore les sucreries.

Comme prévu, il a donc contracté un méchant diabète, à l’instar de 4 millions de ses compatriotes. Il est allé à la CNAS pour tenter d’obtenir une prise en charge à l’étranger, qui lui a été refusée sous prétexte que sa mère n’était pas ministre. Avant d’être amputé d’une jambe, d’un bras et de deux oreilles, il a expliqué au directeur : «Puisqu’on importe l’insuline qu’on ne produit pas et le sucre qui fait le diabète, on devrait donc exporter tous les diabétiques.» 

 

Chawki Amari

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