un musulman au Groenland ? Oui. Il a un prénom d'air frais, le pas léger et depuis quelque temps, Nassim flirte avec le cercle arctique à 4643 km de ses terres brûlantes de la banlieue d'Alger.
Car Nassim est le seul Algérien du Groenland, il a rejoint Nuuk,
64° 11' Nord, capitale de la province autonome après plusieurs séquences de vie en Allemagne, puis au Danemark. Où de là, il y a un an, il a décidé de partir plus au Nord. Pour le Groenland, la grande île de glace qui appartient encore au royaume de la reine Marguerite II du Danemark, fille du roi Frédéric IX.
- Combien ?
Parti à 24 ans de Khemis El Khechna, son point de naissance, Nassim en a aujourd'hui 35. Mais pourquoi le pôle Nord plutôt que le pôle Sud ? Parce que Nassim a été un peu à l'école, et sait qu'en Antarctique, il n'y a que des pingouins, contrairement à l'Arctique, le pôle Nord, qui est habité. Surtout, pour d'étranges raisons, Nassim déteste les pingouins, qui lui rappellent les femmes en hidjab qu'il a laissées chez lui, être errant sans vie à la recherche perpétuelle de quelque chose à mettre dans les sachets noirs qu'elles transportent toute la journée. Nassim n'est pourtant pas antireligieux puisque là où il est, à Nuuk au-delà du 60e parallèle nord, il tient à faire le Ramadhan. Sauf que la partie n'est pas facile. En ce 14 juillet d'été où le soleil ne se couche pratiquement pas, ce sont 20 heures de jeûne par jour à faire, de l'aube-fejr à 3h35 du matin jusqu'au coucher-maghreb à 23h27. Pendant le Ramadhan, Nassim fait aussi la prière, et à Nuuk, entre les prières d'el icha et d'el fedjr, 30 minutes seulement. Mais Nassim y tient.
- Dis moi combien ?
A Nuuk, Nassim a appris quelques mots de groënlandais, une langue inuit, et même pris une femme, Aleqa, une Inuite rieuse qu'il appelle affectueusement Atika. Ils n'ont pas encore d'enfants et dans sa maison multicolore, typique des habitations de Nuuk, Nassim insiste :
- Quelle heure est-il ?, demande-t-il en regardant par la fenêtre le soleil si haut en cet été interminable.
Aleqa, qui a aussi appris quelques mots d'algérien et du fond de sa cuisine, a finalement répondu à Nassim :
- Il te reste 10 heures pour le f’tour, omri.
Par solidarité, Aleqa a bien tenté de jeûner avec son mari, qu'elle aime au-dessus de tout, lui et la viande de phoque. Mais le premier jour, elle a failli mourir. 20 heures de jeûne, non, c'est impossible. Non, SF, ce n'est pas de la science-fiction. C'est saha ftorkoum.
… A suivre