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Tout, sauf le peuple

 

Par : Mustapha Hammouche

Ce qui était d’abord perçu comme le début d’un déballage, dont on pouvait présager quelque fécondité politique, s’est transformé en une violente foire d’empoigne où les règlements de comptes personnels escamotent l’enjeu national. Après plus d’un demi-siècle d’Indépendance et un quart de siècle de multipartisme, le citoyen se voit sommé de se prononcer sur la question de savoir qui de ses tourmenteurs sont les plus cruels : ceux en civil ou ceux en treillis ?
Après une si longue marche, durant laquelle tous les despotes accidentels auront essayé  l’autogestion, le socialisme, le monopole du discours, de la propriété, le parti unique, le multipartisme policé aux dépens du peuple, et durant laquelle tous les parrains d’Orient auront  testé sur lui l’arabisme, l’islamisme et le terrorisme, il réalise qu’il aura fait du surplace. Là où il n’a pas régressé.
Une seule chose a changé : les tuteurs du peuple ont pris de l’âge. C’est, en effet, au spectacle d’une guerre de “retraitables” que l’on nous convie. C’est à qui débarquera en dernier. Dans un déchaînement de charges effrénées, chacun veut nous prendre à témoin de ce dont il accable l’autre. Et chacun veut convaincre le peuple qu’il est temps de mettre fin à l’abus de l’autre. Un peuple auquel l’on a, dans un consensus permanent, refusé les moyens de décider.
Des patriarches qui ont fait toutes les guerres, qui ont sévi de concert ou successivement, qui ont entretenu un système conçu pour leur infini empire, se disputent, aujourd’hui, l’ordre de désistement. À plus de soixante-dix ans pour les plus jeunes, ils s’appellent mutuellement à céder la place, alors qu’aucun d’entre eux — à quelques rares exceptions — n’a jamais pensé à adapter le système à la nécessaire loi des générations. Il suffit de se rappeler avec quel enthousiasme le sérail s’était unanimement rangé derrière le démantèlement de la règle constitutionnelle de limitation de mandats, pour se convaincre de sa conviction antidémocratique partagée.
Récemment encore, il était même question de succession héréditaire au pouvoir. Mais, apparemment, la vertu dynastique que la génération “historique” croyait avoir intégrée à son système n’a pas fonctionné et elle s’est trouvée confrontée au rude obstacle biologique. C’est, en quelque sorte, cette limite naturelle au pouvoir autocratique qui est à l’origine de la crise qui se révèle, ces jours-ci, avec fracas.
Et dans tout ce vacarme, il n’est nulle part question du pays et de son avenir. Le peuple est sollicité en témoin, mais pas en arbitre, dans des conflits de sérail où chacun se légitime par les tares de l’autre.
Il n’y a alors rien d’étonnant à ce qu’un peuple, indéfiniment occulté et désespéré d’une réhabilitation politique, finisse par se détourner de ce qui se passe. C’est, là, le résultat d’une situation soigneusement entretenue par les hommes de pouvoir depuis l’Indépendance : tout est fait de sorte que “la politique” reste une affaire d’initiés. C’est le principe de nos politiques, qu’ils soient en exercice, en réserve ou en opposition : “Tout sauf le peuple.” Il est peut-être temps de vous débrouiller seuls.

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