Par : Mustapha Hammouche
C’est une rafle dans les règles de l’art… de la répression que la police algérienne a réalisée aux dépens des manifestants anti-quatrième mandat.
Il faut dire que face à de pacifiques braillards, dont des femmes et des vieillards, et à des journalistes…, la méthode n’était pas d’une difficile mise en pratique. La police s’occupe de mater les militants politiques et ses chefs politiques s’occupent de câliner les terroristes. Ainsi, une semaine avant la rafle de la “Fac centrale”, le Premier ministre, en campagne à Boumerdès, rappelait-il aux terroristes que “le pouvoir leur tend toujours la main”.
Outre le fait que l’empressement avec lequel le gouvernement entoure les groupes terroristes se base sur une loi dont le délai légal d’application a expiré en… août 2006 (!), il y a, dans cet écart de traitement, un message politique : on peut se concilier avec les terroristes islamistes, mais on ne peut pas pactiser avec des citoyens qui aspirent à une démocratie.
Il y a quelque temps, la publicité faite au démantèlement de certains services du DRS suggérait que le pouvoir voulait soustraire la vie publique à la pression et à la manipulation de la police politique. Or, la rafle musclée de samedi dernier vient confirmer ce que nous écrivions, le 5 février dernier, dans cette même rubrique : “… Une loi de l’Histoire reste en vigueur : sans démocratie, tout pouvoir a besoin d’une police politique.” Qu’importe donc le sigle qui la désigne.
Au lendemain de la manifestation réprimée contre le quatrième mandat, Bouteflika explique à ses détracteurs, dans un message lu en son nom, qu’ils n’ont aucune illusion à se faire sur le résultat de la prochaine élection : “Le peuple algérien donnera, comme de coutume, une leçon de citoyenneté à ceux qui veulent nuire à notre chère patrie”, assène-t-il. “Ceux qui veulent nuire à la patrie” étant tous ceux qui, par le boycott ou par la remise en cause du quatrième mandat, veulent l’empêcher de se maintenir au pouvoir.
En fait, nul besoin du peuple ; les institutions pouvant tout autant démontrer la vanité de l’opposition au système. Il suffit d’une instruction, même informelle, pour que les administrations et les entreprises publiques se mettent en rangs serrés pour remplir et signer les trois millions de formulaires désirés. La télévision du pouvoir se chargera alors de promouvoir le plébiscite avant terme ; et il ne restera plus qu’à le rééditer le 17 avril. Tout cela au nom du peuple. Ce faisant, ces institutions nous infligeront l’autre démonstration, celle d’une illusoire opposition qui assume le paradoxe algérien : attendre d’un système immuable, autoritaire et policier d’organiser une vie politique libre et démocratique !
À entendre certaines figures du sérail, c’est à peine si elles ne plaignent le système d’être victime de l’entêtement de Bouteflika à se maintenir en selle. C’est pourtant ce même système qui, en 2008, trouvait qu’il n’avait pas à souffrir la contrainte constitutionnelle de devoir changer son Président tous les deux quinquennats.
Serait-il si important que “la personne la plus apte à diriger le pays” qu’il choisira pour nous en soit à son premier ou à son quatrième mandat ? Serait-il si utile pour le pays de se défaire de Bouteflika sans se libérer du système qui l’a imposé ? Au nom du peuple.