En réponse aux attaques gratuites dont j’ai été l’objet suite à la publication de mon commentaire intitulé « Qui juge qui ? » sur le forum du Matin, je vous adresse un texte concernant les caïds et les bachaghas de l’époque colonial.
L’ouvrage d’un auteur français, publié en A, et dont je vous livre plus loin certaines pages , décrit la fameuse « grande tente » de laquelle s’est réclamé feu Mohamed Boudiaf, en évoquant ses origines familiales, lors d’une interview avec un journaliste de la télévision française.
Salah Bouakouir bien que mort, fut traité de traitre par M. Boudiaf qui s’empressa de débaptiser un boulevard d’Alger portant son nom, au motif qu’il avait collaboré avec la France coloniale.
Boudiaf était-il un prophète venu délivrer quelque message divin ?
Peut-on ou non écrire et dire, en tant que citoyen alpha, beta, gamma, delta jusqu’à lambda, ce que l’on ressent envers un personnage officiel, vivant ou mort ?
Boudiaf n’a jamais été le père de la révolution algérienne. Il s’est simplement et sincèrement engagé avec et parmi d’autres, par centaines, dans les mouvements nationalistes, au PPA (Parti du Peuple Algérien) de Messali el Hadj.
Par la suite il contribua à l’Organisation spéciale du MTLD (branche armée du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), dont le fondateur est Mohamed Belouizdad. Ce dernier tombé malade, sera remplacé par Hocine Aït-Ahmed à la tête de l’organisation secrète. Plus tard ce rôle échut à Ben Bella.
Mohamed Boudiaf s’associa avec Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Krim Belkacem, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M'Hidi, Rabah Bitat, Mourad Didouche et Mohamed Khider pour créer le FLN. Le feuilleton consacré à Ben-Boulaïd et diffusé par la l’ENTV durant le dernier mois de ramadan est suffisamment explicite à cet égard.
Concernant l’engagement sous les drapeaux français de tel ou tel chef de la résistance, il s’agissait d’une information élémentaire que j’ai indiquée et qui fait partie du parcours des résistants. Il faut la prendre pour ce qu’elle est. Cette indication a été hélas perçue comme un reproche de ma part, par des « contributeurs» susceptibles, vexés à titre individuel, voire familial, par mon post.
Tout le monde n’est pas entièrement blanc ou noir. Si quelqu’un dans ce forum connait personnellement un saint glorieux ou quelque bienheureux élu de Dieu dans son voisinage, qu’il me le dise et j’irai lui embrasser les pieds et les mains.
Je suggère vivement à ceux qui écrivent n’importe quoi sur ce forum, de s’informer sérieusement sur les époques de l’Algérie, en particulier durant le XIX° siècle, de contrôler leurs aigreurs et leur humeur maussade avant de valider leur post.
Bonne lecture !
HADJ « DOURO » (CENT SOUS)
« Avant de partir, l'un de mes amis d'Alger m'a remis une lettre d'introduction auprès du caïd Si Mohamed Boudiaf ben Henni, dont les ancêtres n'étaient pas de petits compagnons, comme disait Henri IV. Cette vieille souche aristocratique a toujours été très dévouée aux Français.
Son père, Mohamed Seni ben Sekri, chef de la grande famille des Ouled-Mahdi du çof Oued Bouras, était un homme supérieur. Après avoir servi d'agent dévoué à Abd el Kader, il fut un des premiers à se rallier après la défaite. Depuis, lui et ses descendants ne nous ont jamais trahis. Ils luttèrent avec nous contre Al-Mokrani lors de l'insurrection de 1871. Plus tard, un Boudiaf se fit massacrer au campement d'El-Anasser.
Les Boudiaf sont encore nombreux à M'sila. Ils occupent tous des situations importantes. Si Mohamed Boudiaf ben Henni, aujourd'hui conseiller de l'administration dans la commune mixte de M'sila, porte le titre d'agha honoraire. C'est, dit-on, un esprit distingué et très fin, mais il a les qualités et les défauts des nobles. Jadis, d'après ses fonctions, il percevait les impôts. Et les Arabes l'ont surnommé Hadj Douro. Bien à tort, car il ne s'est pas enrichi, la main droite ayant toujours jeté au vent de ses prodigalités ce que prenait la main gauche sous les plis récalcitrants du burnous, comme c'était son droit et son devoir de percepteur. Que voulez-vous? Les Arabes n'aiment ni les tailles, ni les corvées, ni les amendes, ni la police, ni la justice, ni les diffas imposées par ceux qui viennent recouvrer l'impôt. Quoi qu'il fasse, le caïd reste toujours détesté de ses administrés. Dans un marché, un caïd rend la justice. Devant lui se tiennent deux Arabes en désaccord. Le juge offre une prise à l'un ; celui-ci glisse subrepticement un douro dans la tabatière. Le caïd offre une prise à l'autre plaignant ; celui-là en glisse deux. Moralité : ce fut le dernier qui eut raison. Cependant il nous tarde de voir Si Mohammed Boudiaf. Il demeure sur la grande place, dans une maison contiguë à notre hôtel. Nous frappons à son huis. Un domestique ouvre et nous introduit. Quelques instants après paraît un petit vieux, maigre, ridé, ratatiné, très brun, l'œil vif, le nez en bec de corbeau, cinquante ans environ. Simplement vêtu, il paraît fier de la rosette de commandeur de la Légion d'honneur de grande dimension qu'il porte et qui fait une tache de sang sur son burnous blanc. Il nous accueille à merveille avec toutes sortes de salamalecs.
La pièce où nous sommes est étroite. Des murs blanchis à la chaux, sans aucun ornement, comme dans une mosquée. Sur le sol, d'épais tapis. Accablés par la chaleur, nous prendrions bien quelque chose, mais nous ne pouvons même pas prendre une chaise, il n'y en a pas. Nous restons debout et nous attendons. Tout d'un coup, soulevant une draperie, les trois femmes de Boudiaf surgissent, ainsi qu'une vision hiératique. C'est un fouillis de linge, de larges ceintures, de voiles avec un semis d'étoiles d'or et de soies légères et rayonnantes qui les enveloppe. Pour recevoir des dames françaises, elles ont mis leurs plus beaux atours. Elles ont emprisonné leurs pieds dans des chaussures enjolivées de broderies d'or et se sont couvertes de bijoux où étincellent des pierres précieuses, tandis que sur leurs poitrines, qui bombent le haïk, attaché par, des hzaim, pendent une profusion de chaînettes d'or. Il paraît que, prévenues de notre visite, depuis le matin elles préparent leurs toilettes et surtout l'édifice de leur haute coiffure, noire comme les plumes de l'autruche mâle. (...) Debout devant nous, comme sous les armes, les trois grâces africaines ne disent mot, mais sourient de s'exhiber si belles. Boudiaf, comme Mohamed (que nous appelons je ne sais trop pourquoi Mahomet), aime les femmes et les parfums. C'est un éclectique. Il a choisi, pour son harem, trois types très purs des races berbères, arabes et mauresques, mais à des âges différents. Mystère de l'amour ! »
(Pages 68 et suivante, Paul Eudel. D'Alger à Bou-Saada. Illustrations de H. Eudel (1837-1911) Éditeur : A. Challamel (Paris) 1904.
AL-MOKRANI
« Ahmed Al-Mokrani prit le parti de la France dans la querelle qui opposait la résistance algérienne représentée par l’Emir Abdelkader, aux français. Relative à l'interprétation des articles 2 et 3 du Traité de la Tafna au sujet des territoires situés dans l'est de la Mitidja, au delà de l'Oued Keddara et réservés à la France, pour assurer la communication de la province d'Alger avec l'est du pays, c'est à dire le constantinois. Dans ces territoires de la Medjana héréditairement contrôlés par les Al-Mokrani, se trouvait le Passage des Bibans -de l'arabe Al-Biban «les portes», baptisés Demir Kapou par les turcs- c'est à dire les «Portes de fer». L'accès à ce passage large de deux mètres seulement, est livré par trois endroits, d'où le nom de «portes». C’est Ahmed Al-Mokrani qui livra ce passage aux colonnes françaises. Un membre de la famille AI-Mokrani, le cousin Ben Abdesselam avait rejoint la résistance Algérienne dés la signature du Traité de paix signé le 30/5/1837 à la Tafna, entre Abdelkader et les français. En faisant sa soumission à l'Emir Abdelkader. Cette alliance entre Abdesselam et I’ Émir Abdelkader, attribuait ainsi de plein droit à I’ Émir la souveraineté sur les tribus, l'article 3 du traité de la Tafna interdisait à la France de pénétrer dans ses parages. L’Emir était détenteur des deux tiers du territoire algérien, selon ce fameux traité que la France violera avec la connivence d’Ahmed Al-Mokrani, le père du Bachagha Mohamed Al-Mokrani, auquel est attribuée jusqu’à nos jours la paternité de l’insurrection de 1871.
Ahmed Al-Mokrani Iivra donc le passage des « Portes de Fer » aux français, qui étaient conduits par le Maréchal Valée et le Duc d’Orléans -fils du roi de France- le 28 octobre 1839. Sans qu'un seul coup de fusil ne soit tiré. Ce qui eut pour résultat de faire arriver indemne à Alger une colonne française considérable. Les fantassins français épuisés par un trajet dont ils ne voyaient pas la fin, avançaient péniblement dans le relief accidenté de la Medjana. Dans un pays qu'ils ne connaissaient pas, leur havresac pesant sur le dos. En essuyant régulièrement des attaques de la part des troupes algériennes commandées par Abdesselam. Les soldats français ménageaient leurs montures qui n'avaient pas bu depuis cinquante deux heures. En particulier les mulets de pièces, qui portaient les pesants affûts et les roues de l'artillerie démontée. C'est donc une armée française amoindrie qui s'était aventurée dans le fief d’Ahmed Al-Mokrani. Celui-ci vint lui-même à la rencontre de la colonne française, drapé de plusieurs burnous d'apparat, à la tête de ses cavaliers des Beni-Hachem, des Righa Qebala, des Beni Ameur et des Eulma. Le Cheikh Messaoud des Qsarettir l'accompagnait qui vint se mettre à la disposition des français, avec ses contingents. Quelques temps auparavant un autre transfuge, Benhanni Benyellés avait offert ses services aux français. Il fut nommé Khalifa de la Medjana. A ce moment-là Al-Mokrani père se contenta du modeste titre de Caïd. Benyellés fut tué deux mois plus tard, lors d'une expédition contre les Righa Qebala.
C'est donc à Ahmed Al-Mokrani que revint le titre tant convoité de Khalifa le 30 septembre 1838, suite aux services qu'il rendit aux généraux français.
Le double de l'arrêté qui conférait le titre de Khalifa à Ahmed Al-Mokrani lui fut remis en grande pompe le 24 octobre 1838, dans le Palais de Constantine, par le Maréchal Valée. La prestation de serment d’Ahmed Al-Mokrani serait intéressante à reproduire, n'eut été l'indécence historique de cet écrit, qui fut signé par 17 personnes, sur les cadavres de centaines de résistants algériens à l'occupation française.».
ALIF
P.S : Cette dernière page sur Al-Mokrani, est tirée d’un travail personnel consacré à la période de la colonisation, elle est parue dans des publications, à Paris et à Alger.