Au vu de la multiplication des actions de protestation à travers le pays, il devient presque superflu pour le gouvernement de présenter son bilan devant l’APN, comme exigé par des partis de l’opposition et en application de la loi. Les promesses gouvernementales non tenues, nombreuses et touchant à tous les secteurs de la vie nationale, finissent par exaspérer de larges franges de la population qui ont longtemps cru à des lendemains meilleurs. Ces descentes dans la rue devenues quasi quotidiennes, dans les banlieues des villes comme dans les zones rurales, s’accompagnent toujours d’énormes désagréments pour des milliers de citoyens usagers de la route et des transports. Mais il suffit d’écouter les protestataires pour se rendre compte de la légitimité de leurs requêtes, des conditions de vie intenables dans lesquelles sont maintenues les populations en dépit de la richesse théorique du pays. Habiter un bidonville est déjà un drame.
Quand ce bidonville est inondé par les eaux de pluie, cela renvoie en effet ses occupants à des conditions «infrahumaines». La gestion sécuritaire de ces accès de fièvre sociale est très facile à mettre en œuvre, d’autant plus que les forces de police ont connu un renforcement notable ces dernières années, en effectifs et en équipements antiémeute. Cependant, la charge policière ou les poursuites judiciaires contre les manifestants sont loin de résoudre le problème. Cela aggrave en fait les frustrations sociales dont on a connu les expressions extrêmes ces dernières décennies. Dans ce face-à-face manifestants-forces de l’ordre, incluant cocktails Molotov et gaz lacrymogènes, il y a un grand absent : l’élu local. Il est éjecté, ou s’exclut de lui-même, du débat social et des conflits. Il se calfeutre dans son bureau et proclame qu’il est dépourvu de moyens et de prérogatives, ce qui est vrai. Mais ce qui est non moins vrai est le manque de dynamisme des assemblées locales qui font d’incompréhensibles économies d’énergie et se dispensent d’aller secouer l’inertie des administrations où des piles de projets moisissent dans les tiroirs de la bureaucratie.
L’écoute et l’accompagnement des citoyens dans leur quête d’une vie meilleure doivent être réinventés dans les structures les plus proches de la population, les APC et APW. Les pouvoirs publics, de leur côté, devraient comprendre que la colère sociale est aiguisée par les promesses officielles jamais tenues, car conçues prioritairement dans des objectifs électoralistes. Le logement pour tous, l’eau H24, le gaz naturel à 100%, sont des formules proférées à foison à chaque remaniement ministériel et à l’approche de toute échéance électorale. Les engagements créent des attentes, et les désillusions sont suivies de colère. Quand l’écoute et le langage de la vérité ne sont pas au rendez-vous devant les manifestations populaires, l’explosion sociale que nos gouvernants croient évacuée après la déconfiture de certaines révolutions, peut survenir à n’importe quel moment et emporterait tous les plans électoraux échafaudés de longue date.