Par : Mustapha Hammouche
Navrant tableau que celui de l’élection du président de l’UMP en France. Navrant, mais édifiant. La droite “décomplexée” a viré à la droite “dévergondée”. Cela tombe mal pour l’exemplarité de la démocratie française : le vote d’investiture du candidat républicain aux États-Unis vient de passer par là. Toutefois, on ne fera pas de comparaison avec l’élection présidentielle américaine, parce qu’il ne s’agit pas d’une élection nationale. Cette consultation interne, qui se prolonge en confusions et contestations, est expressive de la régression morale de la droite française. Donné favori, François Fillon s’est fait rattraper par Jean-François Copé. L’effet “petit pain au chocolat” a dû jouer en sa faveur. Avant d’être relayé par la fraude et la chicane pour donner ce spectacle d’une formation politique qui a fini par remettre en cause son unité pour avoir voulu ratisser trop large.
La droite est enfin en situation de devoir se définir. Harcelée à sa droite par le Front national, l’UMP n’en finissait pas de lui emprunter ses positions xénophobes et alarmistes. De ce point de vue aussi, ce scrutin interne est mal tombé : voici l’UMP écartelée entre sa dérive droitiste et son identité républicaine. Le résultat de Copé, même contestable pour son concurrent, et réciproquement d’ailleurs, le confirme : il y a réellement une avancée des idées d’extrême droite en France, quand bien même beaucoup de voix acquises n’ont pas encore fait le pas de rejoindre le FN. Ce qui, probablement, ne saurait durer, puisqu’il paraît que le flux d’adhésion au parti de Marine Le Pen a doublé depuis hier.
Le parti est piégé par son lourd héritage sarkosyste. Il est sommé de décider de ce qu’il doit en faire. Ce qu’il se refuse à faire, pour l’heure, s’il n’y était pas contraint par l’épreuve du choix de son président. Les suppliques sous forme de “Sarkozy reviens !” constituent l’expression de ce désarroi devant la nécessité de clarification.
Quel que soit son nouveau président, l’UMP d’après-Sarkozy ne sera plus ce qu’il a été. Aux yeux du “peuple de droite”, en ce que ce déchirement au sommet réhabilite les initiatives en marge de l’UMP, plus franches, notamment celle de Borloo. Mais aussi et surtout, aux yeux de ses adhérents, forcément déçus par les candidats et leurs entourages respectifs qui ont trahi l’élan démocratique, réel celui-ci, de militants venus voter en grand nombre.
En cela, il ne faut pas se réjouir en pensant que les vieilles démocraties peuvent nous ressembler parfois : l’indélicatesse des dirigeants politiques n’affecte pas la morale démocratique quand elle est culturellement intégrée par les citoyens d’une nation. Elle ne peut pas affecter le fond démocratique d’un système politique : on remarquera, en effet, qu’il ne s’agit pas là d’une élection nationale dont le résultat aurait été affecté par le comportement de l’administration, de l’État, mais qu’il n’est question que d’un dérèglement organique, privé.
Enfin, il ne s’agit point de manœuvres téléguidées par des forces extra-partisanes, et dont l’issue dépend de l’attitude d’un pouvoir tenté de manœuvrer les collectifs politiques et sociaux jusque dans leurs choix internes.
Si l’épreuve confirme l’effet déstabilisant, voire structurant, des idées extrêmes et populistes sur la droite en France, c’est bien l’UMP qui est menacée, pas la démocratie française.