A en croire Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, la France ne participera pas à l’exploitation du gaz du schiste en Algérie. Il n’en reste pas moins que le pays s’empressera d’importer le gaz non conventionnel extrait du sol algérien.
Certaines indignations ne tiennent guère compte de la réalité économique. Lorsque le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius glisse à quelques journalistes, en marge du voyage présidentiel en Algérie les 18 et 19 décembre dernier, que l’Algérie et la France vont signer un accord pour mener des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l’exploitation des gaz de schiste, le sang de Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, ne fait qu’un tour ! Appuyée par Matignon, elle dément immédiatement les propos de Laurent Fabius, arguant que si la France interdit la fracturation sur son territoire, ce n’est pas pour la promouvoir ailleurs. Prise de position logique… Pourtant, la France achètera massivement les gaz de schiste algériens.
L’économie algérienne est quasiment entièrement dépendante des hydrocarbures. Le pays est le huitième producteur de gaz naturel dans le monde. Or il possède 17 000 milliards de mètres cubes de gaz non conventionnel, soit quatre fois plus que ses réserves conventionnelles. Pas question pour les autorités de passer à côté de cette manne, même si une opposition écologique se met en place pour dénoncer la fracturation hydraulique et notamment la grande consommation d’eau liée à cette technique dans un pays en stress hydrique. Le ministre de l’Energie algérien, Youcef Yousfi, a présenté mardi 8 janvier à l’Assemblée nationale un texte visant à offrir des avantages fiscaux pour des projets pétroliers complexes comme l’exploitation offshore ou celle de ressources non conventionnelles. L’objectif est d’attirer des pétroliers étrangers sur son territoire. D’ici à 10 ans, l’Algérie sera un grand pays producteur de gaz de schiste.
De quoi accentuer l’importance du gaz algérien dans l’approvisionnement de la France. L’Algérie est déjà le quatrième fournisseur de la France (derrière la Norvège, les Pays-Bas et la Russie) avec 15,4% des importations de gaz. Or entre l’arrêt définitif du gaz de Lacq, le refus de produire des hydrocarbures en France et la diminution de la part du nucléaire, les importations françaises de gaz vont croître, même avec une politique forte d’efficacité énergétique.
Avec la baisse des productions en mer du Nord, il ne restera que deux possibilités : augmenter le débit du robinet russe ou celui du robinet algérien. L’Europe se sent déjà bien trop dépendante au premier et devrait donc opter pour le second. La France achètera donc massivement des gaz issus de réserves non conventionnelles algériennes. Delphine Batho a beau ne pas vouloir promouvoir la fracturation hydraulique en Algérie, la politique française en la matière tiendra rapidement en quatre mots : "Not in my backyard" (pas dans mon jardin).
Ludovic Dupin pour Usine Nouvelle