La CNCPPDH et la corruption
Par : Mustapha Hammouche
Il a fallu cinq ou six mois pour que la CNCPPDH se résolve à rendre public le rapport 2011 sur les droits de l’Homme remis au président de la République à la fin du premier trimestre 2012. À moins que l’on ait attendu cette fin d’été caniculaire, éloquente quant au déficit de gestion politique du pays, pour autoriser la commission à diffuser son procès-verbal. Mais s’il ne révèle rien qui ne soit connu d’une gestion ruineuse, le rapport est accablant quant à une faillite politique, économique et sociale que la rente n’arrive plus à masquer.
Il faut croire que Farouk Ksentini a fini par renoncer à toute ambition politique pour assumer enfin un rapport qui renferme des vérités établissant le fondement politique des fléaux qui sanctionnent l’économie du pays et hypothèquent ses chances d’amorce de développement.
Il est, ainsi, significatif que la CNCPPDH appelle à une lutte “effective et sans relâche” contre la corruption, posant, pour la première fois dans un document, la présomption que la lutte contre la corruption n’est pas effective et qu’elle n’est donc que fictive.
Mieux, la commission précise les modalités d’encouragement et de protection des castes autorisées à l’enrichissement par la corruption : elle consiste en ce que la sanction ne menace que des personnes “secondaires”. Si l’État venait à se résoudre à une lutte “effective” contre ce fléau, celle-ci devrait toucher, aux termes du rapport de la CNCPPDH, même les hauts fonctionnaires exerçant dans les hautes institutions étatiques.
Pour l’heure, “la volonté politique” ne suffit pas face à “une administration dirigée, aux différents échelons et dans une large mesure, par des personnes pistonnées, imposées ou cooptées qui sont au service de leurs propres intérêts et de ceux de leurs ‘’bienfaiteurs’’ et non au service exclusif du peuple”.
En d’autres termes, la commission établit que la hiérarchie administrative a fait de l’État un instrument au service des intérêts de ses dirigeants “pistonnés, imposés et cooptés” et de leurs “bienfaiteurs” qui ont le pouvoir — politique — de nommer de hauts cadres. Même si le document concède que “la volonté politique pour ancrer les droits de l'Homme dans la vie quotidienne des citoyens existe”, il bat, ici, en brèche cette concession. Le système est conçu pour servir les intérêts des castes avant l’intérêt du peuple.
Pire, “les fonctions au service des institutions de l’État sont devenues une source d’enrichissement et un moyen de servir des intérêts privés”. Ainsi, le détournement politique des prérogatives fonctionnelles au profit de l’enrichissement personnel et clanique a fini par diffuser cette culture prédatrice à l’ensemble de la société ; celle-ci a “miné le tissu social” et “essaimé dans l’ensemble du territoire national” et a fini par détruire les valeurs fondamentales du travail, de la compétence, du savoir, de la crédibilité et de la citoyenneté en Algérie, explique le document.
Qu’importe que ce document préserve “la volonté politique”, réduite d’ailleurs à “un discours politique” et “de bonnes intentions” (qui) à eux seuls ne suffisent pas.
Le rapport confirme l’origine politique de la pratique de la corruption en Algérie et confirme que nous sommes bien dans le cas d’un État soumis, dans son fonctionnement, à la production de la corruption.