Il y a comme un malentendu dans les avis exprimés ici et là par analystes et hommes politiques quant à l’appréciation de la mise en oeuvre d’une nouvelle Constitution et le procédé de sa faisabilité. Assemblée constituante? Révision en «profondeur»? Si les partis de l’«opposition», la société civile et, d’une manière générale, tous ceux qui, peu ou prou, s’intéressent à la chose politique, penchent plutôt pour une «Constituante», ce n’est pas l’avis des deux principaux partis de l’Alliance présidentielle (FLN et RND) qui optent pour leur part pour une «révision en profondeur». Encore qu’il leur reste à expliciter ce qu’ils entendent par «révision en profondeur», nous aimerions croire que c’est là un avis parmi d’autres et non point une «orientation». La déclaration du ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, à propos du Code communal, actuellement examiné par l’APN, lors de laquelle il semblait fixer des «lignes rouges» aux députés, peut-elle être indicative de ce que le pouvoir entend par «révision» de la Constitution? A l’évidence, une telle interprétation des rapports entre les institutions de l’Etat, fausserait le débat à peine engagé. Dans ce contexte, il faut toujours s’efforcer d’être exact. Pourquoi une Constitution, ou Loi fondamentale? Une Constitution organise le fonctionnement de l’Etat. C’est un ensemble de textes fondamentaux qui déterminent la forme du gouvernement d’un pays, de même que la délégation du pouvoir. Dans tous les cas de figure, la démocratie est fondée sur le principe du peuple souverain dans un modèle d’Etat républicain, marqué par la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Ce qui suggère qu’une telle loi est la résultante d’un vaste débat par la représentation la plus large possible de la société. Ce qui n’a pas été le cas pour la Constitution algérienne et ses différentes révisions. Dans une démocratie, il ne peut y avoir de dépendance d’une institution par rapport à l’autre, chacune étant indépendante et faisant contre-poids à l’autre. Une démocratie s’articule autour des trois piliers qui sont le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Cela, quel que soit le régime choisi (présidentiel, semi-présidentiel, parlementaire...). D’où l’importance de la clarification des prérogatives de chaque institution, concrétisée par la séparation des pouvoirs. De fait, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, reprise à son compte par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, stipule dans son article XVI que «toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution». Ainsi, une claire séparation des pouvoirs assure-t-elle un équilibre entre les institutions. Ce qui ne peut être le cas lorsqu’il y a confusion de pouvoirs. Ce qui ouvre aussi la voie à toutes les dérives et surtout au despotisme. En tout état de cause, l’Etat républicain est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs. D’où la nécessité d’un débat le plus large possible afin de déterminer quelle loi fondamentale serait la mieux-disante pour le pays et prenne en charge en amont et en aval l’ensemble des questions et problèmes qui se posent à la nation. Cela, bien sûr en associant toutes les compétences du pays. Celles-ci existent, il suffit qu’on leur fasse appel. Aussi, une Assemblée constituante semble la plus indiquée pour refonder un pouvoir plus rationnel. MM. Belkhadem (FLN) et Ouyahia (RND) justifiant leur préférence pour la «révision», arguent du fait qu’une Assemblée constituante «effacerait» 50 ans d’histoire du pays. Sans être constitutionnaliste, on peut s’inscrire en faux contre un tel argument. De nombreuses démocraties en sont à leur énième république sans qu’ait été tiré un trait sur leur passé historique, leur donnant au contraire de corriger des erreurs apparues dans l’exercice du pouvoir. C’est cela aussi la démocratie.
Noureddine MERDACI