Interview d'Abdelmoumen Khalifa au Soir d'Algérie
Abdelmoumen Khalifa et Bouteflika part1 par maghrebb
Le Matin
Abdelmoumen Khalifa s'est exprimé, hier, pour la première fois depuis le commencement du « scandale El Khalifa Bank » et le démantèlement de son groupe. Dans un entretien fleuve accordé au Soir d'Algérie, à Londres, l'homme se qualifie de « victime ». Victime « de la convoitise de ceux qui dirigent le pays et de leur incapacité totale à être utiles à l'Algérie ». Son déclin, il l'attribue au premier responsable de l'Etat. Et si Abdelmoumen Khalifa s'est décidé à parler, c'est parce que le moment est propice à ce genre de déclarations. « Pourquoi j'ai gardé le silence ? Parce que j'ai d'abord pensé à mon pays. L'Algérie nous appartient, c'est là-bas que sont mes racines. Mon cur est en Algérie. Et lorsque mon pays connaît des dérives, et elles sont importantes, il ne s'agit pas de l'enfoncer encore plus. Cependant, il n'est pas non plus question de se taire lorsque la plus grande dérive se situe au plus haut sommet de l'Etat. J'ai donc attendu que des évolutions se produisent pour parler et dire ce que j'ai vécu. Aujourd'hui, il y a des enjeux qui me paraissent essentiels pour l'avenir du pays et il me semble urgent que des changements s'opèrent », a-t-il précisé. Sur les enjeux réels, pas un mot. Par contre, sur les changements, il est on ne peut plus clair. « Il faut changer la direction du pays. Je parle du Président de la République. J'estime en effet que la Présidence de la République est entre de très mauvaises mains. Cet homme a créé un Etat de non-droit en cinq ans. Ce sont des forces du mal qui se sont abattues sur le pays et qui ont généré un Etat voyou. Situation catastrophique, gestion anarchique des affaires de l'Etat, décisions anachroniques ont amené le pays dans une situation d'illégalité absolue, et c'est ce que les Occidentaux appellent un Etat voyou () Le Président actuel met directement en péril l'avenir de la nation. C'est pour cela que j'ai décidé de ne pas me taire. Je m'interdis de voir mon pays malmené de la sorte tout en restant passif. » Abdelmoumen Khalifa estime que le Président de la République est « incapable de gérer l'Algérie ».
Pour le patron du groupe Khalifa, le chef de l'Etat, le Chef du gouvernement et le ministre des Finances ont « politisé l'affaire Khalifa () Je suis un opérateur économique et je ne m'explique pas que des hommes politiques apportent des appréciations et des jugements sur mes activités ». Abdelmoumen Khalifa accuse le « clan présidentiel » d'être l'instigateur de la cabale contre le groupe Khalifa en France. Cette campagne avait pour but, selon lui, « de préparer et légitimer tout ce qui devait se faire après ». En clair, la liquidation de la banque et le démantèlement du groupe. Sur le chapitre de ses relations avec Abdelaziz Bouteflika, Abdelmoumen Khalifa est ferme. « Je n'ai jamais fait la campagne électorale de Bouteflika. Ensuite, ce que j'ai réalisé, je l'ai fait pour
l'Algérie et non pas pour Bouteflika () Il savait ce que je pensais de lui. Je ne me suis jamais gêné pour dire à haute voix et à ses proches ce que je pensais de lui et de sa gestion. Je l'affirme encore aujourd'hui, Bouteflika est le plus grand imposteur qu'ait connu l'Algérie. Il est tout à fait incapable de se soumettre à un débat libre. Je le mets au défi de mettre en débat sa politique face à son ou ses opposants, comme cela se passe dans les pays démocratiques. C'est quasiment impossible. Lorsqu'il est arrivé alors que l'Algérie était détruite, il a promis monts et merveilles aux Algériens sans rien réaliser de ce sur quoi il s'était engagé », assure M. Khalifa.
Quant aux problèmes de la banque et du groupe, Abdelmoumen Khalifa certifie qu'ils n'existaient pas avant que les autorités ne l'aient « sorti de la gestion de la banque », le 3 mars 2003. Il assure qu'avant cette date « toutes les opérations s'effectuaient le plus normalement du monde ». Cependant, le « golden boy » algérien ne donne aucun chiffre. Il remet en cause ceux avancés par Ahmed Ouyahia et Abdelatif Benachenhou sur le préjudice porté au Trésor public. « Parlons chiffres. Le Chef du gouvernement en a avancé un relatif au manque à gagner de l'Etat suite à l'affaire El Khalifa Bank. Son ministre des Finances a avancé un autre chiffre. Il y a là un problème. Manque à gagner pour l'Etat ? Lequel ? » Il arguera par le fait qu'aucun client de la banque n'ait porté plainte contre l'institution du groupe Khalifa. Par contre, il avancera le montant de 100 millions de dollars perdus chaque mois par
El Khalifa Bank à partir du 27 novembre 2002, date à laquelle la Banque d'Algérie a bloqué les opérations de commerce extérieur d'El Khalifa Bank.
Synthèse Samar Smati
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