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agressions…

  • insécurité, agressions… et intervention d’un imam pour dissuader un médecin de porter plainte

     

    Une nuit aux urgences du CHU Mustapha Bacha à Alger

     

     



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    REPORTAGE – L’œil droit violet, rougeurs et traumatisme cranio‑facial. Mercredi 25 juillet, il est 0 h 15. Bachir Guerbas, médecin résident au CHU Mustapha Bacha, est assis au fond d’une salle à l’hôpital, entouré de ses collègues. Il venait à peine de commencer sa garde aux urgences, vers 19 heures, quand il a été brutalement agressé  par un groupe composé d’environ six personnes accompagnant une malade.

     

    « La malade,  leur mère ou leur grand‑mère, devait passer en urgence chirurgicale mais il n’y avait pas de place », raconte Bachir Guerbas. Impatients et dépités, ses agresseurs présumés tentent de séquestrer tout le service avant de s’en prendre à lui en le rouant de coups. « Pourtant, moi, je suis aux urgences de réanimation », ajoute‑t‑il comme pour tenter d’expliquer le malentendu dont il a été victime. « Je ne sais pas pourquoi ils m’ont agressé », dit‑il.

     

     

     

     

     

     

     

    Un policier serait impliqué, un imam pour tenter une conciliation

     

    D’autres membres du personnel pénètrent dans la salle. La colère, l’indignation et la rancune se lisent sur les visages. Un des agresseurs du médecin serait un policier en civil. « Quand je suis venu pour aider le médecin, l’un d’eux m’a dit de ne pas m’en mêler car il était policier. Un membre de sa famille m’a ensuite donné un coup de poing », raconte Azzedine Amirou, un agent de sécurité.
     
    Après son agression, Bachir Guerbas  s’est rendu au commissariat pour déposer une plainte. « Ils [les policiers] ont été corrects avec moi. Ils n’ont cependant pas mentionné l’implication de leur collègue », affirme la victime. Selon un autre médecin, le policier agresseur se trouvait justement au commissariat au moment du dépôt de plainte. Impossible de vérifier leurs dires.

     

    Intervention de l’imam
    Avant le dépôt de la plainte, les agresseurs ont tenté une conciliation avec le médecin. Pour le convaincre, ils ont fait venir un imam. Ce dernier aurait expliqué aux médecins présents qu’il avait abandonné la prière des tarawih spécialement pour tenter de résoudre cette affaire. Il leur a expliqué qu’il ne fallait pas porter plainte car c’était illicite. «  Ils ont instrumentalisé l’imam pour qu’il soit un intermédiaire. Mais on va aller jusqu’au bout », lance Bachir Guerbas.
    Bachir Guerbas s’est présenté ce mercredi devant le procureur, au tribunal de Sidi M’Hamed, avec un avocat de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh). Le médecin légiste lui a prescrit quinze jours d’arrêt de travail. « Il n’a pas pu examiner son œil. Il était enflé, il ne pouvait l’ouvrir », indique un médecin. Un rassemblement du personnel du CHU Mustapha Bacha devrait se dérouler, dans la matinée, devant la direction générale de l’hôpital pour exiger plus de sécurité dans les différents services.

     

    Absence de sécurité

     

    Le poste de police est situé à quelques mètres du service des urgences. Mais mardi soir, les policiers ne sont pas intervenus. Au fil des années, médecins, infirmiers et agents de sécurité ont fini par ne plus trouver cela étrange. Ils ont appris à faire face, seuls, à ces agressions. « Cela se passe tous les jours ici », assure Réda Ouhab, un médecin au CHU. Tout le monde acquiesce. Notamment Boualem Touati, infirmier à Mustapha Bacha depuis bientôt trente‑deux ans.

     

    Des histoires d’agressions et de menaces contre le personnel de l’hôpital, il en a vu et entendu parler tout au long de sa carrière. Lui‑même a été victime, il y a deux ans de cela, d’une agression pendant le Ramadhan. « Dernièrement, il y avait une femme qui assurait la garde. Un homme l’a menacée pour qu’elle lui prescrive une radio alors que son cas n’en nécessitait pas. Il lui a dit : j’ai  trente‑six jugements à mon actif », se désole Boualem. Il  ne cache pas sa joie de partir bientôt en retraite.
     

     

     

    Entre un système de santé défaillant et la délinquance

     

    « C’est plus facile de prendre en charge un malade que d’entrer en conflit avec sa famille », note Anissa Dahoum, maître‑assistante en réanimation. Le problème se pose en termes de moyens disponibles. « On refuse des malades quand il n’y a pas de lits », insistent les médecins. « Les gens viennent des quarante‑huit wilayas car il y a des spécialités qui n’existent nulle part ailleurs », rappelle Réda Ouhab.

      

    Ici, on évoque entre trois et quatre agressions par jour. Des statistiques ? « On ne sait pas s’il y en a. On n’en a pas connaissance mais on vous parle de ce qu’on vit tous les jours », poursuit l’aide‑soignant Ahmed Chekour. « Il y a parfois des gens qui courent derrière nous avec des couteaux », lance‑t‑il.

     

    Le ministère de la Santé dans tout ça ? « Il s’intéresse à autre chose. Un médecin ou un paramédical qui se fait agresser ? C’est le dernier de ses soucis », ajoute Bachir Guerbas. Comme les malades, les médecins urgentistes se sentent comme pris en otage par un système de santé défaillant qui les expose à la délinquance.