A en croire les médias français, l'Amérique d'Obama est intervenue, en toute délicatesse, pour faire partir Ben Ali du pouvoir. La France n'aurait pas appréciée cet interventionnisme diplomatique de son partenaire US qui n'a pu ignorer le fait que l'ex-maître de Tunis était lié à Paris comme les doigts d'une main.
Michèle Alliot Marie, la patronne du Quai d'Orsay, avait même proposé à l'ancien régime tunisien de l'assistance pour que les éléments de l'ancien Etat policier apprennent à maîtriser l'art de la matraque. Une sorte de «kouchenerisme», en sens inverse, qui ne brandirait pas l'étendard des droits de l'homme mais qui prendrait la défense du pouvoir en place, garant des intérêts de la France.
Pour avoir été le premier Président a félicité le peuple tunisien pour sa «libération», Barack Obama ferait-il perdre à la Ve République française ce qu'elle a cru être, jusqu'au jour de la chute de Ben Ali, un pays ami et allié que nul ne serait capable de déraciner du giron français ?
Le défunt général De Gaulle se retournerait presque dans sa tombe, la Francafrique serait en train de se laisser grignoter à une vitesse folle. Le président Sarkozy peut toujours tenter de redorer le blason de la France au Proche-Orient. L'idée de la création d'un groupe de contacts pour le Liban aiderait à «karcheriser» la machine diplomatique.
Mais c'est sur le continent noir que celle-ci céderait dangereusement les vieilles terres de l'empire colonial français. Où les grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis et la Chine, rivalisent par colossaux investissements interposés. Bien qu'il demeure traditionnellement anglophone, le Soudan suscite toutes les convoitises.
Ayant perdu la bataille de l'interventionnisme humanitaire au Darfour, le retraité Bernard Kouchner ne peut qu'envier Jimmy Carter posant avec Georges Clooney devant l'entrée d'un bureau de vote au Sud Soudan. Le référendum devant conduire droit vers la scission, les Américains se verraient bien en train explorer les gisements pétrolifères, au nom de la sécurisation de la région du Darfour, à l'ouest.
Pour ce qui est du nord, où le gouvernement US ne désespère pas quant à l'éventualité d'un renversement d'Omar El Bachir, les alliés du maître de Khartoum continueraient à se servir en attendant de nouveaux mouvements de pions sur l'échiquier. Il ne fait pas de doute sur cette course effrénée entre alliés occidentaux, il y aura toujours un gagnant et de grands perdants.
Harcelé dans la région du Sahel, le djihadisme local faisant en sorte de provoquer un véritable exode de Français, le gouvernement de Paris trouve de plus en plus de difficultés à protéger ses intérêts sur place. C'est à peu près le même son de cloche en Côte d'Ivoire.
Une victoire définitive du clan Ouattara, soutenu en partie par la France, ne voudrait pas dire que Paris va pouvoir recouvrir totalement son image d'avant l'arrivée de Gbagbo au pouvoir. La rue ivoirienne ne supporterait plus ce «néocolonialisme» que l'Elysée pratiquerait toute en finesse. D'ordre religieux, paraît-il, le président Nicolas Sarkozy ne se serait-il pas trompé de continent quand il a évoqué le mot «épuration» ? Les futures conquêtes américaines et chinoises nous le diront.