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  • Le cimetière national des usines automobiles

     

    Par : Mustapha Hammouche

    Benmeradi continuera-t-il longtemps à réchauffer cette histoire creuse d'usine Renault ? Rassurons-le : les Algériens ne tiennent pas à ce que les automobiles soient fabriquées dans leur pays. D'abord, parce qu'ils ont eu à tester le “made in Algeria” avec les mobylettes Guelma et les camions Sonacome. Ensuite, parce qu'en douze ans de régime, ils ont fini par comprendre que le développement n'est pas son souci. Son affaire, c'est la rente : et les Algériens veulent qu'après le lait et la farine, et après le sucre et l'huile, la pomme de terre soit, à son tour, subventionnée.
    Ils ne veulent même pas d'emplois, puisque dans ce système, ce n'est pas la meilleure manière de gagner sa vie que de décrocher un poste de travail. Pas plus tard qu'hier, au square Port-Saïd, le spectacle était édifiant : la police tenant en respect les greffiers en grève, repoussés vers ce jardin public pour être éloignés du Palais de justice d'Alger, pendant qu'autour, les cambistes informels continuaient leur trafic de devises dans la plus totale sérénité et même en pestant contre ces fonctionnaires venus perturber l'espace réservé à leur business. La rente a fait du pays un bazar de produits importés où tout est alors ramené à l'équivalent devises de notre monnaie. On s'est trop habitués à acheter pour penser à fabriquer. État et citoyens ont intégré cette nouvelle donnée culturelle. Les générations d'après-pétrole se débrouilleront avec ce déficit “civilisationnel”.
    Mais, dans un contexte qui n'est ni à l'investissement productif ni à l'invasion des capitaux étrangers, la psychologie du consommateur est entièrement tournée vers sa capacité à acquérir des articles importés. Or, malgré la panne économique structurelle, il y a comme un incompréhensible acharnement communicationnel sur le thème chimérique de “projets” productifs. Le ministre de la Santé prévoyait, il n'y a pas longtemps, d'exporter du médicament, dès 2014 et son homologue des Transports, des bateaux !
    Si la plupart des responsables n'insistent pas trop longtemps sur leurs utopies “industrialisantes”, le ministre de l'Industrie revient régulièrement sur un projet dont il est seul à croire en sa viabilité. Hier, Benmeradi nous redisait ce que Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault, avait dit il y a plus de deux mois et demi, à savoir que Renault refusait d'installer une usine à Bellara et que… les discussions se poursuivaient. Ce qui veut dire que ces discussions n'ont pas avancé depuis le début de février au moins. “Les discussions ont pris plus de temps que prévu”, explique le ministre. Renault refuse de s'installer à Bellara et nos autorités tiennent “à ce que le projet soit réalisé à Bellara”, pour respecter quelque plan de développement aménagé. Première nouvelle ! Alors, retard ou impasse ? Car les objections du constructeur sur les questions du potentiel de sous-traitance, de la localisation et des capacités de production projetées ne sont pas nouvelles.
    Cette histoire prend des allures d'activité diplomatique où la discussion avec le partenaire tient parfois lieu d'objectif. Et sert de motif de communication politique à destination d'un citoyen qui rêve plus de voiture que d'usine à voitures.
    En attendant que le mirage Renault rejoigne le cimetière des usines automobiles inauguré dès les années 1970 par la Mina 4, bien avant la fameuse Fatia.