Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

bioionique

  • LA DEMOCRATIE EN ALGERIE

    Opposition : Le retour de bâton

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    le 25.04.14 | 10h00 4 réactions

    diaporama | © El Watan Weekend
     
    Imprimer Envoyer à un ami Flux RSS Partager

    Manifestants poussés dans les escaliers, militants incarcérés pendant plusieurs jours, étudiants traînés sur le sol et frappés à coup de bottes. Depuis une semaine, les forces de l’ordre ne prennent plus de gants. Leur cible : les contestataires.

    La manifestation de Barakat mercredi dernier, la marche pour le 34e anniversaire du Printemps berbère, l’arrestation de deux militants… Depuis une semaine, le pouvoir a durci ses réponses à la contestation. Le politologue Rachid Tlemçani estime : «La gestion violente des événements de Tizi Ouzou, Ghardaïa ainsi que l’arrestation des membres du mouvement Barakat et des autres ONG ont révélé l’étendue de la crise au sein de la classe des oligarques et des intouchables.» Pour Halim Feddal secrétaire général adjoint de l’Association nationale de lutte contre la corruption, «le clan Bouteflika est très fragile et familial, il s’est octroyé tous les pouvoirs. Ce clan hermétique et restreint a réussi à rassembler tout le monde contre lui. Il s’est fait beaucoup d’ennemis à cause de la gestion catastrophique du pays : la mauvaise gouvernance, la corruption généralisée et le climat d’impunité.» Et d’ajouter : «L’élection présidentielle est cruciale : c’est un moyen de confirmer sa pseudo-légitimité vis-à-vis de l’étranger. Il s’est finalement attribué une légitimité par la fraude.» Rachid Tlemçani poursuit : «C’est la première fois qu’une opposition ferme, ouverte et publique s’est constituée contre le clan présidentiel.

    Le pouvoir se recroqueville sur lui-même et actionne les vieux réflexes du système autoritaire.» Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid,  fait le même constat : «Le pouvoir a été remis en cause. Il perd pied, la fraude a eu raison du soutien populaire.» Kamel Benkoussa, ex-candidat à l’élection présidentielle, estime, quant à lui, que «le régime a peur de se faire dépasser par la propagation des revendications citoyennes sur le territoire national. Nous assistons à la naissance d’un réel éveil citoyen en Algérie. Le régime qui ne comprend pas le peuple algérien, retombe donc facilement dans ses vieux travers en faisant usage de la force».

    Réponse politique

    C’est aussi l’avis de Moussa Touati, arrivé dernier du scrutin. «Le pouvoir a quelque chose à se reprocher. La fraude est la raison pour laquelle l’Etat veut empêcher toute manifestation avec une telle violence», développe-t-il. Selon Soufiane Djillali, la répression était prévisible : «Face à une opinion publique qui s’éloigne et à une opposition de plus en plus en forte, le pouvoir panique. Après une utilisation abusive des moyens de l’Etat durant la campagne, le peuple n’a plus confiance. On assiste à la mise en place de la phase finale impliquant la force brutale. Quand on a moins de carottes dans le panier, on multiplie les coups de bâton». Halim Feddal rejoint cette analyse : «Un régime sans légitimité populaire n’a que la répression comme moyen de dialogue avec le peuple.»

    La jeunesse et internet sont perçus comme une menace pour le pouvoir, selon Kamel Benkoussa : «Le régime a peur de cette société civile ‘‘virtuelle’’, qui est aussi capable de se mobiliser dans la rue. D’ailleurs la vitesse de propagation de la vidéo de Tizi Ouzou sur les réseaux sociaux a provoqué une telle indignation et les autorités ont dû réagir.» La violence à Tizi Ouzou était pour lui un choix calculé du régime. «Le pouvoir a fait le choix, sciemment, de réprimer la manifestation pacifique à Tizi Ouzou. Il ne pouvait pas empêcher avec force les manifestations dans tout le pays vis-à-vis de l’opinion internationale. Il se serait mis à mal avec ces puissances qui ont soutenu cette élection. Ainsi, les événements de Tizi Ouzou apparaissent simplement comme des dépassements locaux», soutient Soufiane Djilali.

    Pourtant, «le message est destiné à tous les Algériens», dit-il. Même si l’appareil sécuritaire a atteint ses limites depuis bien longtemps, la répression a été terrible à l’égard de jeunes manifestants pacifiques, regrette Rachid Tlemçani, qui insiste : «La violence n’est pas la solution.» Kamel Benkoussa se montre pessimiste : «Les répressions à venir seront très certainement l’élément déclencheur qui incitera les différentes formations politiques démocratiques à dépasser leur ego  et à se fédérer derrière la société civile et devenir, enfin, une réelle force d’opposition.» «La jonction entre le mouvement social d’une part et la récente contestation électorale politicienne d’autre part est en train de façonner une nouvelle dynamique conflictuelle. Il est de l’intérêt du clan dominant de prendre en considération cette nouvelle réalité, prévient aussi Rachid Tlemçani. L’Algérie de Bouteflika 4 est différente des précédentes. Elle est bien décidée à crever l’abcès. Le grand dérapage qui guette le pays deviendrait plus problématique que la crise sécuritaire des années 1990. La nouvelle conflictualité en perspective serait préjudiciable pour tous les Algériens, y compris ceux qui ont expatrié des capitaux à l’étranger au détriment de l’investissement national productif. Veut-on mettre le feu aux poudres ?»



     

    Tayeb Belaïz : «Des actes isolés»



    Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, a affirmé hier que les «dépassements» émanant d’agents de police le 20 avril dernier à Tizi Ouzou relevaient de comportements «exceptionnels» et d’«actes isolés». «Les corps de sécurité sont tenus par le respect rigoureux des lois de la République dans toutes leurs interventions», a précisé le ministre lors d’une conférence de presse qu’il a animée à l’issue d’une visite de travail et d’inspection à la direction des unités républicaines d’El Hamiz. Pour le ministre de l’Intérieur, «les corps de sécurité ont fait montre d’un haut degré de professionnalisme dans le traitement des émeutes, manifestations et marches dans certaines wilayas». «Le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major Abdelghani Hamel, a ordonné qu’une enquête soit ouverte à ce sujet et je pense que les personnes impliquées dans les dépassements ont été suspendues de leurs fonctions par mesure préventive», a indiqué Tayeb Belaïz.Selon lui «l’enquête suit son cours» et si des «preuves corroborent les faits signalés, ces personnes seront déférées devant la justice comme tous les citoyens». «L’Etat a accompli son devoir et les services de sécurité sont tenus par le respect de la loi. L’agent de police est le premier à qui incombe le respect de la loi et la préservation de la dignité des citoyens», a-t-il martelé. «A défaut de plainte, des sanctions administratives seront imposées aux personnes impliquées», a ajouté le ministre. Le DGSN a instruit, lundi, les autorités compétentes d’ouvrir une enquête urgente sur le contenu d’une vidéo montrant des agissements de policiers contraires à l’éthique professionnelle dans la wilaya de Tizi Ouzou.

    A Ghardaïa, un responsable mozabite sous contrôle judiciaire



    Il fait pourtant partie des «modérés», selon des observateurs des violences à Ghardaïa. Khodir Babbaz est membre du FFS et de la cellule de coordination et de suivi, qui observe les poussées de violence dans la ville. Cet habitant mozabite a également des responsabilités au sein de l’association locale des commerçants. Mardi, alors qu’il se rend au commissariat pour aider un habitant du quartier de Melika, il est arrêté par la police et incarcéré. «Je suis allé au commissariat n°1 pour demander les raisons de l’agression sur cet homme de Melika. Les policiers m’ont insulté et frappé et j’ai été arrêté», raconte-t-il.

    Les forces de l’ordre l’accusent d’avoir agressé et frappé des agents. Lui soutient que c’est tout le contraire : «Une fois à l’hôpital, un policier m’a dit : ‘Maudit soit l’Etat qui vous donne votre liberté, si j’avais le pouvoir je boirais ton sang.’ Le deuxième policier, un inspecteur, a poursuivi : ‘Celui pour qui tu as voté ne pourra rien pour toi’.» Après la visite médicale, Khodir Babbaz est ramené au commissariat où il passe la nuit de mardi à mercredi en garde à vue avant d’être présenté devant le procureur. Il est relâché mais placé sous contrôle judiciaire.

    Sur place, on ne comprend pas ce qui s’est passé. «Khodir Babbaz est un représentant mozabite correct qui n’a jamais appelé à la violence, contrairement à certains. Si lui est attaqué par les forces de l’ordre, ce sont tous ceux qui résistent à l’appel à la violence qui vont être fragilisés», commente un observateur. «Je n’accuse pas tous les officiers, mais il y a des policiers qui veulent que la situation s’empire. Je pense qu’ils ont pour but de l’aggraver», témoigne Khodir Babbaz qui met directement en cause le chef de la sûreté et cinq de ses hommes. Ces nouveaux événements accentuent le sentiment de manipulation de certains notables mozabites. «Cela fait 4 mois que la population demande une commission d’enquête et il n’y a rien. Tandis que des policiers ont eu des promotions après des bavures», déplore-t-il.

     

    Leïla Beratto