Par : Mustapha Hammouche
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Aux premières pluies d’automne, on a plutôt cette réflexion : ça va laver la ville des ordures qui jonchent ses trottoirs, ses voies, ses places.
Et puis la boue, les gravats, les sachets et les bouteilles en plastique bouchent les regards. Des cantonniers s’affairent, sous la pluie et les pieds dans la bourbe, à dégager, à l’aide d’instruments primitifs — piquets, fils de fer — les canaux obstrués.
C’est désormais coutumier et cela devrait faire partie des prévisions météorologiques : le moindre excédent de précipitations prend des allures de catastrophe naturelle dans toute la région concernée. Les rues en pente s’improvisent en véritables oueds, les routes sont immergées et les espaces incurvés sont inondés. D’ailleurs, la moindre annonce de précipitations prend une allure de BMS et jette une ambiance de veillée d’armes. On craint pour son toit et pour ses murs ; on appréhende l’épreuve des déplacements du lendemain…
Les dégâts de dimanche, qui ont pratiquement touché l’ensemble des régions du pays, au Nord du moins, ne semblent pas avoir un réel rapport avec la quantité de pluie tombée. Ces effets s’expliquent peut-être par la vulnérabilité du bâti, au sens large, le déficit de conception et d’entretien.
Tout se passe comme si tout ce qui est construit n’est qu’un étalage de béton, de briques, de bitume, recouvrant un sol national brut et sans autre aménagement. Cet agencement superficiel de bâtiments, d’équipements, de routes réduit les infrastructures à un vernis sans évacuation suffisante, inondable au moindre surplus d’eau. La culture de “la réalisation”, chargée de compenser l’absence de prévision et de planification en termes d’urbanisme, de génie civil et rural et d’aménagement, fait du réseau construit un assemblage d’ouvrages posés à même le sol. La formule est certainement exagérée, mais elle exprime l’imprévision et l’attitude expéditive observée dans la conception et l’exécution de beaucoup de projets.
Cet état de fait correspond bien à la psychologie du décideur en matière de développement : ce qui compte, c’est ce qui se voit. Le projet a d’abord une fonction de marketing politique : taille, coût des projets, superficie, nombre de logements, d’emplois, etc. Ce qu’il y a sous la dalle, sous le vernis, compte beaucoup moins. Cela ne se voit pas à la télévision. C’est pour cela qu’on est moins regardant et qu’on économise peut-être sur les ouvrages “enterrés”.
Le jour de la catastrophe, la faute sera à la pluie ou au mouvement tectonique.
Même le drame de Bab El-Oued n’a pas été suffisamment incitatif pour faire du drainage et de l’assainissement un impératif de sécurité publique. Ne parlons pas de la gêne que subissent les citoyens et l’économie nationale aux premiers orages !
Déjà qu’on ne se soucie pas trop des défauts de surface, va-t-on quand même s’occuper des malfaçons de fondation ?
M. H.
musthammouche@yah