La veuve de Yasser Arafat chassée de Tunisie
à gauche Souha Arafat, à droite Leila Ben Ali
Souha Arafat, la veuve de l’ancien président palestinien et leader historique de l’OLP, Yasser Arafat, décédé en 2004, avait été chassée de Tunisie après avoir reçu en catimini la nationalité de ce pays.
Avant de prendre le chemin de l’exil, Mme Arafat s’était confiée aux diplomates américains. «Je n’arrive pas à croire tout ce qu’elle m’a fait ! J’ai tout perdu», s’était écriée, en octobre 2007, Souha Arafat, au cours d’une conversation téléphonique avec l’ambassadeur des Etats-Unis en Tunisie, Robert Godec. Souha confie que Mme Leila Ben Ali croit qu’elle succédera à son mari au poste de président de la Tunisie. «Leila Ben Ali met la main sur tout ce qui a une valeur en Tunisie. Affaibli par son combat contre le cancer, le président Ben Ali passe son temps à jouer avec ses deux fils autour de la résidence et obéit à sa femme Leila avec sa famille pillent la Tunisie, tandis que les membres de la famille du président bénéficient d’une impunité totale, y compris en recourant à la fabrication de faux documents.» Que s'est-il passé pour que l'ex-première dame de Palestine devienne à ce point indésirable en Tunisie, où elle s'était établie après la mort de son mari en 2004 ? Pourquoi Souha Arafat s'est attirée les foudres de «madame Tunisie» Leila Ben Ali, qui fut pourtant sa meilleure copine ?
Du jour au lendemain, tous les biens de Souha en Tunisie ont été confisqués par le recours à des documents falsifiés. Ses proches et ses collaborateurs ainsi que le directeur de la banque qui gère ses affaires ont été soumis à des pressions. Souha Arafat a acquis la nationalité tunisienne en 2006, deux ans après le décès de son mari. Mais un an plus tard, en août 2007, le gouvernement tunisien, via un décret publié au Journal officiel, retirait la nationalité tunisienne à la veuve du président palestinien ainsi qu’à sa fille, âgée de 12 ans. Souha, sa mère Raymonda Tawil, journaliste, et sa fille sont expulsées de Tunisie. Mme Arafat avait beaucoup investi dans ce pays.
Pour Souha Arafat, il ne fait aucun doute : c’est Leila Ben Ali, puissante épouse du président tunisien, qui est à l’origine de ses déboires. «Quiconque m’apporte son soutien est puni, Leila est la cause de mes malheurs», s’était plainte Souha à l’ambassadeur des Etats-Unis. Selon elle, le différend entre les deux femmes est lié à la fermeture d’une prestigieuse école privée de Carthage. Les deux dames avaient pris la décision d’ouvrir, en septembre 2007, l’Ecole internationale de Carthage, une école privée lucrative destinée à la formation des futures élites tunisiennes dans laquelle Souha Arafat avait investi 2,5 millions d’euros.
Mais les diplomates américains doutent de cette version et place Leila Ben Ali au cœur des grandes affaires de corruption, tout particulièrement dans un dossier datant de juin 2008 intitulé «Ce qui est à toi est à moi», où la parentèle du chef de l’Etat y est dépeinte comme une «famille» quasiment mafieuse. Dans ses mémoires, l’ambassadeur américain, Godec, a tenu compte de plusieurs versions relatives à l’ouverture de l’Ecole présidentielle et à la fermeture définitive de l’école Louis Pasteur qui jouissait d’un certain prestige, mais au bout du compte, il finira par accréditer celle de Souha, car les accès à l’école Louis Pasteur demeurent sous scellés.
L’expulsion de Souha n’aurait donc aucun lien avec le lancement de l’école de Carthage. En réalité, son expulsion pourrait avoir un lien avec le projet de mariage de la nièce de Leila Ben Ali, âgé de 18 ans, avec Mohammed Ibn Rashid Al Maktoum, 61 ans, Premier ministre des Emirats arabes unis et émir de Dubaï, quatrième fortune de la région.
Un mariage encouragé par Mme Ben Ali. Mais cheikh Al Maktoum était déjà bigame. L’une de ses deux épouses n’est autre que la propre demi-sœur du roi Abdallah de Jordanie. Souha Arafat, ayant appris la nouvelle du mariage en préparation et la conspiration de Mme Ben Ali pour le faire aboutir, avait alors appelé la reine Rania de Jordanie, l’informant que sa belle-sœur allait devoir faire face à la concurrence d’une jeune femme de 18 ans. Mais les échos de l’appel téléphonique de la veuve palestinienne seraient parvenus jusqu’aux oreilles de l’épouse du président qui en avait déduit que Souha cherchait à faire capoter son projet de mariage en mettant en garde le roi Abdallah que sa demi-sœur allait devoir faire face à la concurrence de la nouvelle jeune épouse du cheikh Al Maktum. En représailles, Leila Ben Ali a alors forcé Souha Arafat à quitter immédiatement la Tunisie.