Par : Mustapha Hammouche
La Sonatrach — c’est-à-dire l’Algérie — a préféré payer Anadarko, et tous les pétroliers dans le même cas, plutôt qu’aller au bout de la procédure d’arbitrage. Il fallait pour cela que les gardiens de l’intérêt supérieur de la nation se trompassent dans les effets escomptés de la loi révisée sur les hydrocarbures. Le pays doit donc restituer de l’argent qu’on croyait avoir gagné grâce à la perspicacité managériale de nos dirigeants.
Auparavant, dans l’affaire Respsol-Gas Natural, la gestion de nos affaires pétrolières avait conduit à assumer le même manque à gagner… rétroactif. Certes, ce sont des histoires d’un, deux à six milliards de dollars. Ce qui, rapporté aux grandeurs à considérer dans l’activité pétrolière et gazière, n’est peut-être pas trop ruineux. Mais la légèreté dans la gérance des ressources nationales, qui contraste avec le patriotisme économique tapageur, notamment depuis la mi-2009, est dénoncée par ce genre de remboursements pour imprévoyance.
Et il n’y a pas que le pétrole et le gaz qui illustrent l’amateurisme qui caractérise la gestion financière et monétaire nationale. La “nationalisation” annoncée, à cor et à cri, de l’opérateur Djezzy, s’est heurtée à la complexité des processus d’acquisition des affaires à capitaux internationaux que le décideur économique national semble découvrir après son initiative.
À chaque scandale qui franchit les limites de l’intimité du système, on se précipite pour proclamer qu’“aucune responsabilité politique n’est établie” dans le forfait en question, pendant qu’on arrête des cadres d’entreprise ou de ministère. La mauvaise gestion ne vaut que pour les cadres de gestion ; il n’est jamais question de mauvaise gestion… politique.
L’Algérie regorge de ressources naturelles dont les prix caracolent au sommet des valeurs boursières ; quelle que soit la nonchalance de notre activité contractuelle, les revenus, tout de même appréciables, donnent l’illusion d’une politique commerciale financière parcimonieuse. Le constat peut s’élargir au potentiel économique national, tellement handicapé par une vision rentière qui craint d’être déstabilisée par l’émergence et l’expansion éventuelles d’une économie de production. Le monopole économique des hydrocarbures, c’est le monopole politique du système rentier. Il a, en plus, cet avantage : d’une part, l’abondance de recettes et, d’autre part, le manque de transparence dans les placements et mouvements de capitaux qui permettent cette illusion de gestion méticuleuse des richesses nationales.
À la moindre interrogation sur la pertinence des placements de nos réserves ou une dévaluation insidieuse de notre monnaie, les institutions se lèvent en chœur pour démentir notre doute et proclamer l’ingéniosité de leur stratégie.
Sauf que, de temps en temps, quelques “incidents” viennent dévoiler, par leurs conséquences comptables, la gestion approximative, parfois capricieuse, de notre potentiel financier. Pour que nul ne puisse juger de sa gestion, la rente est soustraite au regard de l’opinion par l’opacité qui caractérise autant son mode de production que son mode de répartition. Alors, exprimée en chiffres faramineux, elle est présentée à nos yeux avides comme le résultat impressionnant d’une gestion politique.