Elle pourrait aggraver la situation de la liberté de la presse en Algérie
La presse gratuite autorisée dans le nouveau projet de loi sur l'information
Hadjer Guenanfa
La presse gratuite, qui connait un succès grandissant en Europe, va‑t‑elle débarquer en Algérie ? Depuis quelques jours, les débats se concentrent sur les peines de prison et les amendes prévues dans le nouveau code de l’information. Mais le document contient une autre menace pour la presse écrite : l’article 31 de l’avant-projet de loi sur l'information qui devrait être débattu début septembre à l'Assemblée populaire nationale (APN) autorise explicitement la presse gratuite. Ce type de médias représente une double menace pour la presse écrite payante : sur les ventes et sur les recettes publicitaires.
« Cela va pousser davantage les Algériens à ne pas acheter les journaux où il y a une certaine marge de liberté et de professionnalisme », indique Redouane Boudjemaâ, enseignant à la Faculté des sciences de l'information et de la communication à l'Université d'Alger. Ces journaux sont distribués ailleurs que dans les points de vente traditionnels de la presse payante. A Alger, l’arrivée du métro, prévue pour la fin de l’année en cours, va favoriser ce type de média. Le premier journal gratuit qui obtiendra l’autorisation d’être distribué dans le métro pourra capter des centaines de milliers de voyageurs.
L’autre menace concerne la publicité. Le marché publicitaire algérien est de plus en plus étroit pour les journaux payants : monopole de l’État sur la publicité publique – des titres sont favorisés au détriment d’autres –, multiplication des titres, apparition de l’internet… La presse gratuite, grâce à des tirages importants, pourrait capter une partie de la manne publicitaire. D’autant que l’obtention d’une autorisation de diffuser gratuitement un journal dans le métro d’Alger ne se fera pas sans contrepartie. Un tel privilège sera sans doute réservé à des éditeurs proches du pouvoir, vu l’importance de la cible et surtout les revenus qu’un tel média pourrait engranger.
« La presse gratuite est étroitement liée à l'industrie publicitaire », rappelle Redouane Boudjemaâ. Or, aucun texte juridique n'existe concernant la gestion de ce dossier pour l'instant. « Depuis 1990, toutes les lois ont fait l'objet de modifications dont certaines l'étaient en violation de la Constitution. Mais une seule loi ne l'a pas été car elle constitue toujours un enjeu politique central, c'est la loi sur la publicité », explique‑t‑il. En 1998, un projet de loi sur la publicité avait été élaboré. « Voté par l'Assemblée populaire nationale, il a été finalement bloqué au niveau du Sénat », rappelle‑t‑il.
Pour cet enseignant et militant des droits de l'homme, la publicité représente un moyen « de financement opaque de plusieurs journaux assez liés à certains appareils du pouvoir ». L'irruption des journaux gratuits dans le paysage médiatique algérien pourrait donc constituer un grand danger avec l'apparition de nombreux quotidiens dont les desseins pourraient être de parasiter le paysage médiatique en Algérie. « Un tel scénario ne peut qu'aggraver la situation de la liberté de la presse dans le pays », ajoute‑t‑il.