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de manifester à alger

  • La police empêche les gardes communaux de manifester à Alger

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    Dimanche 8 avril 2012. Il est 8h30. Alger se réveille sur fond de rumeurs. La présence policière n’est pas à l’ordinaire et chacun s’adonne à des interprétations. Que se trame-t-il ?

     

    Les gardes communaux empêchés de manifester à Alger

    Des policiers, nombreux, dans les quartiers abritant des hôtels à moyenne bourse, procèdent au contrôle d’identité de personnes de passage. Du côté de la gare routière Kharouba, un dispositif anti-émeute impressionnant est mis en place. "Une marche ou un rassemblement se prépare", devinent des passants. 

    La gare routière Kharouba est quadrillée. Des dizaines d’engins anti-émeute sont stationnés au niveau de la station-service de la route moutonnière. Venus nombreux, les agents de l’ordre public semblent n’attendre plus que le feu vert pour lancer l’assaut. A quelques mètres de la pompe à essence, un dispositif de contrôle de véhicules est improvisé. Des policiers filtrent toutes les voitures de taxis inter-wilayas qui rejoignent la gare. Ils fouillent même les bagages. A l’intérieur de la gare, l’atmosphère est encore plus alarmante. Plus de policiers que de voyageurs. Tout est passé au peigne fin. Ils scrutent les passants, devinent dans leurs yeux s’ils font partie de ceux qu’ils cherchent. Ils ciblent surtout les voyageurs portant des petits sacs. Les bus inter-wilayas commencent à arriver. A peine foulant le sol, les voyageurs et leurs bagages sont contrôlés un par un. L’inquiétude commence à gagner la foule. Les voyageurs se posent des questions. "Que se passe-t-il ?", s’interroge bruyamment un quadragénaire. "Il y a quelques jours, les anciens rappelés du Service national ont tenu ici même un rassemblement. Les policiers étaient aussi nombreux qu’aujourd’hui. Il doit y avoir une action de protestation qui se prépare", lui répond un jeune agent de nettoyage qui semble avoir l’œil et l’oreille sur tout ce qui bouge, sur tout ce qui se dit.

    Le chat et la souris

    Il est 10h. La journée s’annonce chaude. Le soleil commence à agresser de ses rayons les passagers. La température augmente, tout le monde semble sur les nerfs. Une vingtaine d’individus portant de petits sacs à la main, encerclés par des policiers qui surgissent du jardin public de Kharouba, en contre-bas de la bretelle de la route moutonnière. Regroupés sur un trottoir, ils attendent leur tour pour monter par quatre, dans les voitures de police qui arrivent les unes après les autres, pour les embarquer. Deux jeunes gens de passage sont, à leur tour, arrêtés par un policier en civil portant un talkie-walkie. "Qu’avez-vous dans vos sacs" ? demande-t-il. "Rien, des habits…", répondent-ils. Le policier en civil fouille leurs sacs. Il découvre deux uniformes de gardes champêtres. Ils sont embarqués sur-le-champ. Ayant tout vu et tout entendu, deux jeunes filles debout à l’arrêt de bus de Kharouba et qui devinent depuis déjà un moment ce qui se passe, se disent : "Ah ! Il s’agit finalement d’une marche des gardes communaux". La vingtaine de gardes champêtres abrités à l’intérieur du jardin public sont ainsi débusqués. Ils attendaient que leurs compatriotes arrivent des différentes wilayas du pays pour marcher vers le centre-ville d’Alger. Quelques visages inquiets rasent les murs, se font discrets. Ils portent tous des petits sacs. "Voici un garde champêtre qui n’a pas encore été repéré par les policiers", tentent de jouer aux devinettes des citoyens qui semblent du coup ne plus être perturbés par les bus qui n’arrivent toujours pas à la station de Kharouba.

    Au poste de police

    Les gardes communaux qui ont réussi à déjouer la vigilance des policiers et sortir de la gare routière sans se faire prendre, sont arrêtés dehors, un peu plus loin. Embarqués dans des fourgons, ils arrivent par petits groupes au poste de police de la gare routière. D’autres sont par contre arrêtés sur-le-champ, à l’intérieur de la gare. Il est 11h. Une énorme queue de gardes communaux se dresse à l’entrée du poste de police. Ils passent un par un pour accomplir les formalités policières. Jusque-là, les choses se déroulent dans le calme. Pour ceux qui ont accompli les formalités d’usage, des policiers leurs demandent de monter à bord d’un fourgon pour les conduire quelque part. Certains refusent d’obéir et demandent : "Où vous nous emmenez ?". La tension monte. Un garde champêtre lève sa chemise et montre une vieille blessure : "Regardez ce que le terrorisme m’a fait… Ce sont nous qui avons libéré ce pays. Pour rien au monde, je ne monterais dans ce fourgon. Prenez ma vie si vous voulez, mais moi, je ne pars nulle part, je reste ici !".

    Un autre garde champêtre qui avait déjà été embarqué dans le fourgon empêche les policiers de fermer la porte et laisse exploser sa colère : "Sommes-nous des terroristes pour se faire embarquer comme de vulgaires assassins ?". Les policiers finissent par le laisser descendre. Il est midi. La tension baisse et l’opération devient routinière. "Le procédé est simple, il suffit de repérer un quadragénaire avec un petit sac. Ils ont tous ramené leurs uniformes pour les mettre, une fois regroupés. Nous avons arrêté, depuis ce matin, environ 1 000 individus. Certains sont même venus, hier, et ont passé la nuit dans des hôtels à moyenne bourse", témoigne un policier. Midi trente passé, deux gardes communaux viennent d’eux-mêmes au niveau du poste de police, pour rejoindre leurs compatriotes arrêtés. Ils ont compris que la marche a été avortée.

     

    Mehdi Mehenni

     

    Lien avec l'article : La chasse aux gardes communaux