La commémoration de la Journée internationale des droits de l’homme, samedi dernier, a été, une fois de plus, pour la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CNCPPDH) et surtout pour son président, maître Farouk Ksentini, l’occasion d’une sortie médiatique pour rappeler à l’opinion l’existence de la structure qu’il préside. Car, tout au long de l’année, le profil bas, sinon la discrétion pour le moins adoptée par la CNCPPDH sur les cas de violation des droits de l’homme en Algérie, la confine dans l’oubli chez les citoyens, qui ont du mal à retenir ou à prononcer un sigle aussi rébarbatif. Etonnés qu’ils sont d’apprendre qu’il existe une commission pour la promotion et aussi la protection des droits de l’homme, présidée par un avocat toujours inscrit au barreau, curieux de savoir ce qu’elle pourrait avoir à l’actif de l’objet de sa création qui remonte à plusieurs années déjà.
On retiendra malheureusement beaucoup plus les interventions de son président consacrées à la défense des «réalisations» du pouvoir, de la politique de Bouteflika ou encore prompt à louer les vertus de la réconciliation nationale que celles, conjoncturelles, faites le 10 décembre de chaque année où l’on s’attendait à entendre un réel état des lieux de la situation des droits de l’homme dans le pays et surtout l’énumération des actions en faveur de leur protection de la part de l’instance consultative. N’était-il pas, il y a plus d’un an, opposé à la levée de l’état d’urgence pour qu’une fois levé, il trouve à celui-ci des vertus cardinales et à son «initiateur», le président de la République, une clairvoyance insoupçonnée ?
On s’attendait, le 10 décembre, pour le moins, à un cinglant réquisitoire de M. Ksentini contre les cas de torture ou de mauvais traitements dans les commissariats, par exemple, les abus d’autorité et les violations des libertés fondamentales du citoyen, d’expression, d’association de la part de l’administration de manière générale ou de l’Exécutif en particulier, comme on vient de le constater avec la batterie de lois soumises au pas de charge au Parlement. Bien au contraire, le reproche a été fait par Me Ksentini aux journalistes de «vouloir noircir le tableau» en s’attardant sur ces innombrables cas de violation des droits humains, comme l’arrestation et l’emprisonnement de citoyens de confession chrétienne soupçonnés à tort de prosélytisme parce qu’en possession d’un ou plusieurs exemplaires de la Bible ou de DVD consacrés à la foi chrétienne, ou ces malheureux «jeûneurs» surpris en «flagrant délit» ou dénoncés d’avoir rompu le jeûne avant le coucher du soleil. Pas un mot, par contre, sur le harcèlement judiciaire des journalistes, ces «empêcheurs de tourner en rond».
La presse, en se faisant l’écho de pareilles violations par les services de sécurité et la justice, comme pour les «enlèvements» de citoyens en plein jour, de mise au secret en toute impunité, aurait, selon le président de la CNCPPDH, rendu un service considérable aux organisations internationales des droits de l’homme pour dénoncer de telles situations et pointer du doigt l’Etat algérien. En d’autres termes, il reproche à la presse indépendante son rôle qui, faut-il le rappeler, est normalement aussi celui de la commission qu’il préside, de «veille» et d’information en matière de respect des libertés, oubliant que celles-ci sont la raison même de l’existence de journaux indépendants et que ces derniers ne pourraient servir ni de faire-valoir ni «d’alibi démocratique» au pouvoir.