«Le premier qui dit la vérité Il sera exécuté!» Guy Béart
Chaque jour nous ramène son flot nouveau d'informations nouvelles qui vous font douter de vous-mêmes et vous plongent dans des rétrospectives lointaines qui vous ramènent à cette époque obscure où toute communication était sévèrement contrôlée et où la propagande faisait office d'information. Dieu merci, l'Histoire ne s'arrête pas de s'écrire et ceux qui s'étaient fait un devoir de réserve hier, ou se sont réfugiés pour diverses raisons dans un mutisme complet, ont retrouvé l'usage de la parole pour éclairer les survivants de ce qui se passait en coulisses pendant que, sur scène, des acteurs professionnels amusaient la galerie. Et ce qu'on apprend ferait basculer de leur socle les statues élevées sur du vent. Ainsi apparaissent les véritables causes de ce sempiternel marasme qui sévit sur un pays qui, cinquante années après l'Indépendance, est toujours en train de chercher sa voie. Comme le disait un ancien cadre retiré des affaires, les échecs répétés ne peuvent s'expliquer que par l'échec du système lui-même. Mais pourquoi attendre la retraite pour le dire? Il est vrai que les gens bien élevés ne parlent pas la bouche pleine! L'ambition démesurée des uns, la cupidité des autres, le tribalisme, la coterie vont dénaturer des rapports qui étaient censés être réglés par l'une des plus belles déclarations de foi imprimées sur la plus belle page d'histoire: «Vous qui êtes appelés à nous juger...». C'est ainsi, tout droit sortie de la ronéo planquée chez les Zamoum, que débute la profession de foi de ceux qui avaient fait le serment solennel de libérer le pays d'un système inique et de redonner à chacun une dignité perdue depuis la nuit des temps. Il est curieux qu'aucun des rédacteurs de cette merveilleuse promesse n'ait eu l'occasion de la concrétiser. C'est le sort de toutes les révolutions: les opportunistes, les planqués ou les attentistes sont aux aguets, prompts à sauter sur la moindre occasion. A la fin des années 1980, un journaliste soviétique, qui était entré en polémique avec un homologue français, avait donné rendez-vous à ce dernier à Paris, rue Robespierre. Or la capitale qui a donné des noms à tous les bouchers qui ont fait couler le sang des pauvres, a oublié celui qui menait la lutte avec la plus grande des rigueurs. Les gens entachés de corruption ou empêtrés dans les compromissions ne lui ont pas pardonné d'avoir fait tomber des têtes à perruques. Ceux qui n'ont jamais tiré une seule balle contre l'ennemi se sont empressés de tout confisquer, et la liberté, et la dignité et les biens. Il n'est pas besoin de faire l'autopsie de tous les complots qui ont dénaturé le cours d'une guerre de Libération qui s'était pompeusement affûblée du titre de Révolution. Or, pour toute révolution, il n'y a eu que celle de 1962, quand Kaddour remplaça Marcel aux affaires. C'est la seule explication qui reste plausible quand les scandales éclatent un peu partout, çà et là, n'épargnant aucun secteur et mettant à nu toutes les imperfections d'une administration qui refuse de se corriger parce que dans les multiples dysfonctionnements, il y a des gens qui trouvent leur compte. Il n'est nul besoin de faire appel à Jean Ziegler pour faire la liste de ceux qui ont pillé ce pays au nom de ceux qui ont donné leur vie. Il n'y a qu' à considérer le fossé qui sépare les rentiers des indigènes et de compter le nombre de boat-people. Il faudrait simplement ne pas oublier de rajouter à la biographie surfaite de certains militants: mort dans une clinique parisienne. Alors, vous comprendrez pourquoi l'hôpital algérien est malade.