Le président égyptien Hosni Moubarak, qui a délégué ses  prérogatives à son vice-président sous la pression de la rue, a quitté  Le Caire pour Charm el-Cheikh, dans le Sinaï, alors que plus d'un  million de personnes manifestaient contre lui à travers le pays  vendredi.
Le Parti national démocrate (PND, au pouvoir) a indiqué que  le chef de l'Etat se trouvait dans la station balnéaire égyptienne, où  il dispose d'une résidence.
La place Tahrir, symbole de la  contestation au Caire, était encore noire de monde pour ce 18e jour  consécutif de mobilisation massive contre M. Moubarak.
Vers 13H30  GMT, au moins 3.000 personnes se dirigeaient vers la principale  résidence de M. Moubarak, dans le quartier de Heliopolis, dans la  périphérie du Caire, et leur nombre grossissait à vue d'oeil.
Près  2.000 manifestants se trouvaient également à l'extérieur du bâtiment  abritant la télévision d'Etat, sur les rives du Nil, près de la place  Tahrir, où des centaines de milliers de personnes étaient rassemblées.
Un  responsable égyptien de la sécurité a estimé à un million le nombre  total de manifestants dans la capitale égyptienne, tandis qu'un  photographe de l'AFP a estimé à quelque 400.000 à 500.000 le nombre de  manifestants à Alexandrie.
Jeudi soir, M. Moubarak a annoncé qu'il  déléguait ses prérogatives au  vice-président, Omar Souleimane, mais  qu'il restait de droit président jusqu'à la fin de son mandat en  septembre, une annonce qui a provoqué la colère des manifestants qui  réclamaient son départ immédiat.
L'armée égyptienne, colonne  vertébrale du régime, s'est portée "garante" vendredi matin des réformes  promises par M. Moubarak, en soulignant "la nécessité d'un retour à la  vie normale" dans le pays secoué depuis le 25 janvier par les  protestations.
"J'ai décidé de déléguer au vice-président les  prérogatives du président de la République conformément à ce que prévoit  la Constitution (...) La transition du pouvoir va d'aujourd'hui à  septembre", date de la présidentielle à laquelle il ne compte pas se  présenter, avait dit le président, ajoutant qu'il ne se plierait "pas  aux diktats étrangers".
M. Moubarak, qui a gouverné sans partage  depuis 30 ans l'Egypte, conserve ainsi de larges pouvoirs  constitutionnels, et reste le seul à pouvoir dissoudre le Parlement et  limoger le gouvernement, en vertu de l'article 82. Il a aussi annoncé  l'amendement de cinq articles controversés de la Constitution concernant  la présidentielle.
Le président américain Barack Obama, dont le pays  accorde à l'armée égyptienne une aide annuelle de 1,3 milliard de  dollars, a jugé insuffisant ce transfert de prérogatives, alors que  d'autres capitales appelaient à une transition immédiate du pouvoir.
Selon  l'ancien ministre et député israélien Binyamin Ben Eliezer, considéré  comme le responsable israélien le plus proche de Moubarak, le président  lui a indiqué jeudi soir au téléphone "qu'il cherchait une voie de  sortie"
"Il sait que c'est fini, que c'est la fin de la route. Il ne  m'a dit qu'une seule chose peu avant son discours, c'est qu'il cherchait  une voie de sortie", a affirmé M. Ben Eliezer à la radio militaire.
L'opposant  égyptien le plus en vue, Mohammed ElBaradei, s'est de son côté alarmé  dans la nuit, en avertissant que l'Egypte, pays le plus peuplé du monde  arabe (80 millions d'habitants) allait "exploser".
Le conseil suprême  des forces armées, dans un communiqué lu à la télévision par un  présentateur, a assuré qu'il garantirait "une élection présidentielle  libre et transparente à la lumière des amendements constitutionnels  décidés" et a mis "en garde contre toute atteinte à la sécurité de la  nation et des citoyens".
Il a aussi promis de mettre fin à l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, "dès la fin des conditions actuelles".
La  foule a réagi avec dépit aux annonces de l'armée. "Vous nous avez  déçus, on avait mis tous nos espoirs en vous", a lancé un manifestant  aux militaires.
"Armée il faut faire un choix, le régime ou le  peuple!", criaient des protestaires à l'armée, déployée aux entrées de  la place Tahrir
Les manifestants, qui réclament également le départ  de M. Souleimane, espéraient une mobilisation d'une ampleur sans  précédent, vendredi.
"Trente ans après, on est fatigué de l'écouter,  tout ce qu'on veut entendre c'est qu'il va partir", a dit Mohammad  Ibrahim, un instituteur de 42 ans sur la place Tahrir.
Trois soldats ont abandonné armes et uniformes pour se joindre aux manifestants au Caire, selon des témoins.
Depuis  le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le  calme. Des heurts se sont produits entre policiers et manifestants les  premiers jours puis entre pro et anti Moubarak le 2 février. Les  violences ont fait environ 300 morts selon un bilan de l'ONU et Human  Rights Watch.

