Quelque 40 millions d’Egyptiens sont invités à élire, aujourd’hui, un nouveau Parlement à l’occasion d’un scrutin que tout le monde présente comme joué d’avance. Faute de concurrent sérieux, cette élection servira uniquement à asseoir, pour cinq années supplémentaires, la domination du Parti national démocratique (PND) de l’octogénaire Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Par peur de représailles, les Frères musulmans, la seule force politique capable jusque-là de faire contrepoids aux candidats du PND, ont décidé de ne se présenter, en effet, que dans 130 circonscriptions sur les 508 que compte le pays.
Mais pour s’assurer de la majorité absolue, le parti au pouvoir a chargé une armée de voyous d’instaurer un climat de terreur dans les quartiers des grandes villes pour pousser les candidats indépendants (c’est l’étiquette sous laquelle se sont présentés les Frères musulmans) à se retirer de la compétition électorale. Des centaines de leurs sympathisants ont d’ailleurs été arrêtés ces derniers jours. Vendredi, quelques heures avant la fin de la campagne officielle, des milliers de personnes sont d’ailleurs descendues dans la rue, dans diverses régions d’Egypte, pour protester contre les restrictions et les violences qui ont accompagné le processus électoral. Les manifestations ont dégénéré en violents affrontements avec les forces de l’ordre dans plusieurs villes, ce qui confirme l’idée que l’Egypte est assise sur une bombe sociale qui est prête à exploser à n’importe quel moment.
A l’instar de nombreux pays arabes, le pouvoir égyptien s’appuie sur l’argument de la menace islamiste pour accentuer son contrôle sur la société, réprimer les populations et se maintenir aux commandes. La preuve, les Frères musulmans ne sont pas les seuls à subir le harcèlement de la police politique aux ordres de Moubarak. Les partis modernistes traditionnels ainsi que la jeune formation de Mohamed El Baradai, le Mouvement national pour le changement, n’ont également pas droit à la parole. Si les islamistes n’avaient pas existé, il est évident que le pouvoir égyptien les aurait inventés. Le péril islamiste, apparaît-il encore aujourd’hui, continue à servir de prétexte pour empêcher surtout l’émergence d’une véritable alternative démocratique en Egypte.
Ce énième coup d’Etat par les urnes que s’apprête à commettre le PND confirme aussi – à ceux qui jusque-là pouvaient encore en douter – que Hosni Moubarak ne reculera devant rien pour s’offrir, l’an prochain, un sixième mandat présidentiel ou, à tout le moins, faire de son fils Gamal son principal et unique successeur. Et tout cela se fera avec la bénédiction de l’Occident.