La situation de la liberté d’information en Algérie reste préoccupante, selon RSF
Sonia Lyes
L’ONG s’interroge sur l’octroi des accréditations à Echourouk TV et Ennahar TV
Le pouvoir continue de collectionner les mauvaises notes auprès des ONG internationales. Cinquante ans après l’indépendance, la situation de la liberté d’information en Algérie reste « préoccupante », selon un rapport de Reporters sans frontières (RSF) publié ce mercredi 4 juillet. « Si l’indépendance du pays a été arrachée en 1962, celle des médias n’est pas encore une réalité cinquante ans plus tard », note le texte.
Certes, les journalistes algériens ne sont plus tués pour leurs activités professionnelles, contrairement aux années quatre‑vingt‑dix. Mais l’ONG relève qu’être journaliste indépendant aujourd’hui « n’est pas chose aisée en Algérie, pays rongé par la corruption et le népotisme, où les militaires et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) se taillent une place de choix ». Outre les dangers qui pèsent sur les correspondants régionaux, confrontés aux potentats locaux et aux tracasseries administratives, RSF pointe du doigt « les pressions économiques, mais également judiciaires, ou encore physiques et morales » auxquelles font face régulièrement les directions de journaux et les journalistes.
À cela s’ajoutent les difficultés techniques en ce qui concerne la diffusion et l’impression. En dépit du foisonnement des titres, évalués à 80, pour la plupart arabophones, RSF juge que la situation de la presse, et plus généralement des médias et de la liberté d’expression, est loin d’être mesurable à l’aune du nombre de titres dans les points de vente. « Nombreuses sont les publications émanant directement d’hommes d’affaires, liés aux intérêts de l’État et des services de renseignement », note RSF. S’appuyant sur le récent rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, un rapport critiqué par le gouvernement algérien, RSF soutient que « moins de six journaux sont réellement indépendants en Algérie »
Autre obstacle qui restreint la liberté des médias : les pratiques monopolistiques en matière d’impression et de distribution. « L’État agit en toute liberté, décidant arbitrairement de l’impression et des diffusions des publications », écrit RSF. Il y a également l’arme de la publicité, via l’Anep, et parfois le recours aux redressements fiscaux
Proximité avec le pouvoir et pressions publicitaires
Évoquant la libération du secteur de l’audiovisuel, alors que l’autorité de régulation n’a pas encore vu le jour comme stipulé dans la nouvelle loi sur l’information, l’ONG s’interroge sur les conditions dans lesquelles les deux nouvelles chaînes Echourouk TV et Ennahar TV sont parvenues à obtenir leur accréditation, « même si leur ligne éditoriale, proche du pouvoir, ne laisse que peu de doute sur la réponse à cette question ».
« Dans tous les cas, la vigilance reste de mise, le risque étant que les nouvelles chaînes à capitaux privés soient à leur tour la propriété de quelques puissants hommes d’affaires, proches des milieux politiques et des forces armées », observe RSF. « Cette initiative positive de mettre un terme au monopole de l’audiovisuel public ne doit pas se résumer à un simple effet d’annonce. Elle doit au contraire être le renforcement du pluralisme de l’information en Algérie », ajoute‑elle.
.