Par                    : Mustapha Hammouche 
 
Le  Premier ministre a consacré le plus clair de son temps de réponses aux  questions des députés à distribuer des réparties à l’intention des élus  du RCD.
On ne peut pas reprocher à Ouyahia le choix  d’assumer la polémique, pas plus qu’on ne peut reprocher à une formation  de l’opposition de l’initier. Mais le ton caustique et querelleur  adopté par le Premier ministre n’était, pour le moins qu’on puisse dire,  pas de circonstance. Venu exposer et expliquer un bilan et un programme  politiques devant la représentation nationale, et à travers elle,  devant la nation, il s’est retrouvé à relever un défi sémantique et  oratoire de membres d’un groupe parlementaire. Alors que la télévision  diffusait ce qui aurait dû être un débat jusque dans les chaumières les  plus reculées du pays, la diatribe tournait essentiellement autour de  l’évolution et de l’état de la seule Kabylie, singularisant une fois de  plus le statut sociopolitique de la région. Comme si le reste du pays  est satisfait de son sort et qu’elle seule posait encore problème.
Le  résultat de tout cela est que, même dans cette version appauvrie, le  débat sur la plus large situation du pays est esquivé, il faut le dire,  grâce aussi à la complaisante retenue des élus de la majorité.
Si un  contentieux polémique devait être épuisé, ce moment institutionnel n’en  était pas l’occasion indiquée, surtout que, comme l’organisation d’un  débat de politique générale est plutôt rare, le citoyen attentif à  l’événement en attendait plus de profondeur et de solennité que celles  qu’exigent de simples diatribes politiciennes.
Or, à part cette  personnalisation, voire privatisation, et cette localisation polémique  du débat public, que retient-il, finalement ? De cette formule,  étonnante : “Pour votre malheur, le régime est uni”. Pour le malheur de  ses détracteurs parlementaires, voulait-il certainement dire. Mais  pourquoi seraient-ils seuls à se sentir visés par la réplique ? Le  Premier ministre fait montre d’une assurance injustifiée quant à la  popularité de son régime. Peut-être sommes-nous bien plus nombreux à  nous sentir malheureux sous ce régime. Et l’impact du message ciblé  s’élargirait alors à tout ce beau monde : le régime est uni pour notre  malheur à tous.
En adoptant le langage de la défiance et expliquant  ainsi la stabilité du pouvoir, il révèle une conception politique :  l’unité du régime ne lui est plus un atout d’efficacité, c’est sa force.  Et sa force fait sa légitimité. 
En poussant la question jusqu’à  l’arrière-pensée stratégique : qui est, ainsi, uni avec qui et pour le  simple malheur de ceux qui le contestent ? Si la formule est dirigée  vers une cible précise, chacun peut tout de même se sentir concerné par  la bravade. C’est grave qu’un régime trouve avantage à son unité juste  parce qu’elle est funeste, ne serait-ce que pour des parties précises. 
D’ailleurs, s’il l’est consciemment “pour le malheur” de certains, il l’est aussi objectivement pour la plus grande partie.
Au  fond, Ouyahia a raison de penser que la désunion du régime pourrait  faire le bonheur des mécontents ? C’est le régime qui a fait en sorte  que notre bonheur, au lieu de venir de la démocratie et de l’alternance  au pouvoir, ne peut venir que de sa désagrégation.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr