"Qu’es-tu esclave, si ce n’est une âme portant un cadavre et un setier de sang ?"
D’où viennent les richesses qui ont financé la révolution industrielle alors que nos arrières-arrières-arrières grands-parents n’étaient que de pauvres bougres survivant à peine aux produits d’une terre ingrate sujette aux caprices des saisons ? Dans son livre Les Nouveaux Pouvoirs, Alvin Toffler se pose la question et y répond : il provient de l’argent sale. Un argent trempé dans le sang des guerres génocides de l’esclavage de la colonisation du banditisme pirateries et moult barbaries. Petit à petit ce pain béni perdait son pourpre devenait rose et finissait plus blanc que le blanc de la lessive à la Coluche. Il faut donc croire nos vieux quand ils évoquent la malédiction des aïeux. En Italie, c’est la maffia qui est en train d’acheter les bijoux en or des Italiens ruinés par la crise pour blanchir son pactole. Demain, les grands mécènes de l’humanité seront les argentiers "nettoyés" d’aujourd’hui. En 2008, d’après un rapport sur la richesse mondiale, la banque Merrill Lynch estimait à 95000 individus, (à peu prés la population d’une petite ville de chez nous) qui possèdent 13000 milliards de dollars (à peu près le PNB des USA) soit un quart du capital des 6, 7 milliards d’humains (2). Qui sont ces nababs ? Qu’ont-ils faits pour rafler tout cet argent et faire de ce 21e siècle un tremplin vers le suicide et la mendicité ?
On peut chercher en vain dans ces "novas" un humaniste, un savant, un sage, un être qui mérite que des millions de personnes s’appauvrissent pour l’enrichir parce qu’il les a sauvés d’une maladie, d’un génocide, d’une catastrophe naturelle, a inventé quelque chose, écrit un livre, trouvé des astuces pour adoucir leur vie. En 1962, les biens d’un Algérien se limitait à un hammam, un café maure, un lopin de terre, quelques louis en or, en somme une modeste aisance fruit d’un dur labeur. A la fin du régime socialiste de Boumediene censé traiter tout le monde à égalité et réparer les injustices du colonialisme, qui avait les moyens d’investir dans une économie révolutionnaire" qui s’ouvrait au capitalisme ? Au bled des Mille et une Nuits sans le charme de Shahrazade, le génie n’a pas besoin de sortir de sa bouteille pour offrir sa baraka.
Qui est capable aujourd’hui de financer l’après-pétrole sinon ceux qui ont amassé des fortunes colossales en catimini sans payer un dinar aux impôts, ceux qui ont pris le pétrole pour un héritage familial, ceux au-dessus des lois qui ont détourné des sommes colossales et qui ne seront jamais inquiétés ? Des flen et felten qui veilleront à transmettre leur magot à leurs rejetons qui joueront le même rôle auprès des nôtres. Sans oublier d’ajouter à la liste dorée tous ces émirs repentis reconvertis dans les affaires grâce aux récompenses étatiques. Demain quand les turbulences dans le désert s’essouffleront, la drogue le rapt la terreur auront fait d’un Aqmi et de ses descendants riches comme Crésus, la politique saura reconnaitre les siens en leur ouvrant ses portes et pourquoi pas le fauteuil du Raïs.
Que voudra demain le fils ou le petit-fils d’un garde communal qui mendie aujourd’hui la réévaluation d’une misérable pension en faisant corps avec le pavé. Partout et de tout temps, la richesse a été à l’origine d’une injustice d’un meurtre d’un vol. Les sociétés primitives ont commencé à tout partager à égalité quand l’un a voulu prendre la part de l’autre, bonjour les problèmes. Mais jamais le mariage de la politique et de l’argent n’a si bien fonctionné qu’avec l’explosion des moyens de communication. Aux USA, en France, les milliardaires financent les élections des leaders à répétions gauche-droite, ce qui explique cette paralysie face à la crise causée par les riches et payée par les pauvres. Les réunions internationales se font entre potes à la mode de chez nous : blabla mangeaille et bye-bye. C’est compliqué de scier la branche quand elle soutient la main. Obama en fin politicien rêvant de réélection n’en a jamais douté lui qui a dépensé pour se faire élire plus qu’aucun président américain avant lui.
Quand la télé nous annonce avec fierté qu’une enquête officielle vient de prouver que les plus grandes banques américaines, c'est-à-dire mondiales, ne s’embarrassent d’aucun principe universel pour dépolluer l’argent mafieux, elle défonce des portes qui n’ont jamais existées. Si des anges étaient aux commandes, des quatre coins cardinaux, on verrait leurs ailes depuis belle lurette. Quand nos dictateurs déposent leurs milliards en Suisse, un pays occidental démocratique où les lois veillent à l’honnêteté des avoirs des autochtones, qui aura l’idée saugrenue de dire à ces étrangers qui dépouillent leur peuple et provoquent la famine, l’émigration, le terrorisme, les guerres civiles en un mot la pagaille partout : "D’où ? Comment ?" Tout est légal, la démarche les lois les contrats, un enchantement une harmonie beethovenienne. Il faut donc penser à revoir les leçons idiotes apprises à l’école. Toujours, le méchant est puni et le bon est récompensé. La réalité c’est qu’on peut voler un bœuf puisque c’est celui qui n’a même pas su voler un œuf qui va payer. Il faut changer l’éducation de nos enfants comme on l’a fait avec les jouets : des poupées Barbie aux filles et des armes aux garçons. Une jeunesse déboussolée par nos contradictions qui mènent à la drogue, la criminalité, la prostitution, le suicide, la violence, comme l’a souligné le grand conseiller en éducation William Classer. Il faudrait que la qualité première du texte soit la franchise à l’image de l’Histoire qui ne reconnait que le verseur de sang comme héros.
Par exemple quand on parle de la 2eme guerre mondiale et de l’extraordinaire résistante des Anglais face au bulldozer allemand, on pense à Churchill qui a prédit que les guerres à l’avenir ne se feront pas avec des muscles mais avec de l’esprit. Le Sir était bien placé pour jouer au devin car en réalité la victoire de sa gracieuse majesté n’a été possible que grâce à un seul homme, Alan Turing, l’homme au cerveau mécanisé qui a inventé l’ordinateur pour déchiffrer tous les messages nazis. Non seulement il n’a pas été récompensé, ni enrichi, ni porté en héros mais emprisonné, contraint au suicide avec une pomme au cyanure parce qu’il était homo et athée. Les hommes qui contribuent vraiment au bien de l’humanité par leur génie leur labeur leur sacrifice n’ont pas le temps de penser à l’argent encore moins d’amasser des fortunes et revendiquer une célébrité bien méritée. Chez nous, celui qui a découvert notre pétrole a fini assassiné dans une sordide chambre d’hôtel en 1950. Le géologue Conrad Killian envoûté par la beauté de notre désert est l’"inventeur" du pétrole algérien. Il le découvre et précise même les endroits : "Je vois dormir des milliards de barils de pétrole, dans un vêtement de sable du Sahara… des coffres-forts enterrés." Les Français l’ont pris pour un illuminé et sa carte au trésor a fini entre les mains des Anglais et Américains.
En ce qui concerne l’or noir de la partie orientale du Sahara, le Fezzan, on a crée une Libye indépendante afin de l’arracher aux Italiens. Conrad n’a pas fait sa fortune encore moins celle de la populace algérienne et libyenne mais celle de Standard Oil of New Jersey et des roitelets made in bled. Il est loin 1929 où la crise a mis 3 mois pour faire le tour de la planète maintenant en quelques secondes tout est contaminé. Il n’y a plus de cloisonnement qui ralentit la catastrophe. Ajouter un milliard aux milliards existants de la cagnotte ne changera pas la vie d’un homme, ça n’a même pas de sens pour les calculs de son cerveau, de ses fantasmes les plus fous, mais par contre ça multiplie le déséquilibre tout autour, ça génère les conflits, ça donne au paradis son infernal instabilité. On le voit dans le monde des stars de la finance, du foot, du cinéma… dès que le salaire devient mirobolant les performances se dégradent et le mental en pâtit. Les grands banquiers récoltent des bonus pour fabriquer des bulles au lieu de régler avec courage une crise qui dure depuis 1929. Leur astuce, s’accoquiner aux politiciens pour faire des lois afin de s’assurer légalement de la "culpabilité" de ceux qui payent la facture sans avoir aucune responsabilité dans le désastre.
Dans le monde arabe, c’est encore plus complexe puisqu’on a hérité de tous les tares sans aucune expérience bonne ou mauvaise que celle de la docilité. Dans ce bouillon d’ogresse, on se demande comment le mouvement des "Indignés" peut montrer son petit pouce et se faire entendre. Car les situations anormales qui durent peuvent modifier nos gènes, c’est le prix Nobel de neurobiologie 1997, Victor Ransome qui l’a démontré. En enlevant à des chats une masse de matières grise en forme d’amande, l’amygdale cérébrale qui contrôle les sensations chez les mammifères, il a constaté que ceux qu’ils n’avaient pas opérés ont fini par acquérir les mêmes symptômes que les vrais cobayes simplement en cohabitant avec eux. Cette expérience révèle la facilité à transformer en légumes des êtres vivants équilibrés. On le constate de jour en jour cette atrophie qui envahit notre cerveau apparemment intact. Être honnête n’est plus à la mode, ça effraie ça isole, ça démolit. Mais la morale dans la gouvernance ne relève ni du romantisme, ni de la peur divine mais bien de la survie de l’espèce humaine. Aucune civilisation n’a tenu sans une certaine éthique et n’a survécu à sa perte. Les barbares n’ont réussi à démolir l’empire romain que quand il a commencé à pourrir de l’intérieur.
Châteaubriant affirme : "Les catastrophes terribles n’ont jamais manqué de suivre la corruption des mœurs. Dieu a peut-être combiné l’ordre physique et moral de l’univers de manière qu’un bouleversement de ce dernier entrainât des changements nécessaires dans l’autre."
Mimi Missiva
(1) Epictète
(2) Pascal Boniface (Comprendre le Monde)