Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

fondamentalement insinceres

  • FONDAMENTALEMENT INSINCERES

    par K. Selim,

    Faut-il donner un quelconque crédit aux très timides professions de foi démocratiques qui se sont exprimées en Occident après la remarquable manifestation anti-Moubarak de mardi ? A l'expérience, la réponse est claire : non !

    Mais les Occidentaux apprennent vite et ils ne veulent pas se permettre de se retrouver en porte-à-faux en cas d'évolution «brusque» et «imprévisible». Le cas tunisien inspire donc autant les manifestants égyptiens que les chancelleries occidentales. Bien entendu, si des manifestations similaires ont lieu en Iran, la sincérité de nos amis occidentaux ne ferait aucun doute. On l'a déjà vu ! Dans le cas égyptien, les Occidentaux font dans un minimum syndical imposé par les Tunisiens.

    C'est très aimable, pourrait-on dire, mais tout comme les démocrates tunisiens et peut-être même davantage, les démocrates égyptiens ne doivent s'attendre à aucun soutien occidental. Ils doivent même se convaincre que le combat pour la démocratie chez eux devra se faire contre les Occidentaux qui préfèrent la « stabilité».

    Le très spectaculaire Barack Obama ne doit pas faire illusion. Dans le jeu proche-oriental, le basculement dans la démocratie de l'Egypte aurait des conséquences géopolitiques indésirables. Les Occidentaux connaissent parfaitement le sentiment de l'écrasante majorité des Egyptiens à l'égard d'Israël et de la politique américaine dans la région. Une démocratisation contraindrait les responsables de ce pays à tenir compte de ce sentiment majoritaire et de cesser de complaire aux Américains et à Israël. Les Occidentaux ne se privent pas d'entretenir la fable d'Israël «seule démocratie au Proche-Orient» et craignent comme la peste une démocratisation dans les pays arabes. On en a eu un exemple peu glorieux après les élections palestiniennes.

    On peut imaginer leurs réactions si un grand pays comme l'Egypte basculait dans la démocratie et bousculait de ce fait l'ordre oppressif que l'empire impose dans la région. Une horreur ! Comme si Nasser revenait par la démocratie et remettait son pays dans son camp naturel ! Impensable, n'est-ce pas ? On imagine déjà les discours sur les « urnes libres qui ont donné le pouvoir à Hitler » !

    En réalité, les démocrates dans le monde arabe ont compris depuis longtemps : les révolutions démocratiques chez eux sont indésirables pour les Occidentaux. Aujourd'hui, les porte-voix du néo-conservatisme occidental n'arrivent pas encore à embrayer sur une «menace islamiste» en Tunisie. Parions cependant que cela finira par venir, même si les islamistes tunisiens font preuve d'une modération remarquable. On peut même penser qu'une démocratisation tunisienne dans laquelle les islamistes seraient partie prenante est, objectivement, une menace pour les Occidentaux.

    Le thème de la menace islamiste est depuis une décennie au cœur des dispositifs sécuritaires et guerriers de l'empire. Le fait que des islamistes puissent participer normalement à une vie politique réellement démocratique est un contre-exemple dangereux. C'est pour cela qu'il faut rester prudent devant les professions de foi démocratiques qui nous viennent du froid. Elles sont fondamentalement insincères.