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  • les maires voyous

    Système et délinquance

    Par : Mustapha Hammouche

    On assiste à une médiatisation soutenue des chiffres de la criminalité. Cette publicité, censée mettre en exergue l’efficacité de la fonction de répression de la criminalité, renseigne d’abord sur l’ahurissante vitesse d’expansion du crime et du banditisme. En gros, la violence, le vol et la drogue tiennent le haut du pavé. En quelques années, ces activités délictuelles ont connu une évolution qui témoigne d’une véritable transformation sociologique : il y a vingt ans, aucun Algérien n’aurait pu concevoir que des dizaines de tonnes de drogue circulaient dans son pays !
    Le rapide processus de dépravation chiffrée de notre société illustre un mouvement de décadence morale et civique de fond. Et celui-ci ne s’explique point par un appauvrissement : jamais un aussi abondant flux d’argent n’a ainsi irrigué notre société. ça peut être même un des éléments qui auront favorisé le bond criminel. Il est vrai que les responsables ne donnent pas le bon exemple aux laissés-pour-compte de leur système. Pendant que s’exhibent sous leurs yeux ce que l’on appelle “les signes extérieurs de richesse”, le caractère illicite de la plupart de ces cas d’enrichissement n’échappe pas au regard désabusé des rebutés du système. Devant le provoquant étalage de fastes, les plus fragiles s’inventent une hiérarchie des valeurs qui justifie les délits qu’ils commettront à leur tour.
    Il faut bien noter que ce n’est point l’inégalité sociale qui est à l’origine de cette remise en cause de l’échelle sociale des valeurs mais la manière dont est produite et reproduite cette inégalité sociale. C’est ce système qui organise l’enrichissement illicite de simple commis de l’État qui aide les délinquants à légitimer “moralement” leurs actes d’appropriation délictueuse de biens d’autrui et autres délits.
    Si ce qui semble être une démarche psychologique à l’origine de la dégradation civique de la société est confirmé, cela signifie que l’Algérie souffre d’une criminalité d’origine “systémique”, politique, et qu’elle est victime de la pédagogie sociale de son système.
    Mieux, il faut aussi observer que la hausse de la criminalité et de la délinquance correspond à un mouvement de regain de religiosité. Du moins dans les signes apparents de dévotion. Un véritable code régissant les attitudes, les tenues et le discours a fini par s’imposer aux citoyens, à l’effet de détecter les éléments susceptibles de déficit de moralité ; la moralité étant, au vu de la pensée dominante, d’essence forcément religieuse. Le résultat en est que le jeu consiste à cacher les vices qu’on peut cacher et à exhiber les vertus qu’on peut exhiber. Celles-ci sont de l’ordre de la tenue et du discours. Tout le reste est licite tant qu’on ne se fait pas attraper.
    Et quand on se fait attraper, la loi sévit contre l’individu seul. Pas contre une école d’hypocrisie. Ainsi, alors que la drogue tend à se démocratiser jusque dans les milieux scolaires, l’État, au service de la religion, continue à courir derrière les quelques bars encore ouverts.
    C’est à se demander s’il ne s’agit pas de rabattre les buveurs résiduels vers le marché de la drogue, plus conforme à la morale prioritairement antialcoolique contemporaine.
    Là, l’aveuglement politique fait jonction avec l’hypocrisie intégriste. La question est de savoir si la jonction est accidentelle ou programmée.