Rien ne va plus entre le gouvernement algérien et la firme égyptienne Orascom dont la filiale algérienne Djeezy est poussée à la faillite. Depuis maintenant presque une année, les deux parties sont en conflit ouvert. Djezzy a fait l’objet d’un redressement fiscal de plus de 600 millions de dollars. L’Etat algérien n’a pas autorisé Orascom Telecom Holding à vendre sa filiale algérienne, affirmant vouloir exercer son droit de préemption. Naguib Sawiris, propriétaire d’Oracom, s’est laissé allé à des confidences amères sur le président Bouteflika qu’il a accusé d’être ‘derrière tous les investissements étrangers en Algérie » et que rien ne pouvait se faire « sans sa bénédiction ». Réaction algérienne : une plainte est déposée contre Djezzy pour fausse déclaration fiscale et le directeur général de cette filaiale a été convoqué hier par la police algérienne.
Mais qu’est-ce que le scandale Orascom au juste ?
Avant que les autorités algériennes, dans la foulée d’une campagne anti-égyptienne née de matchs de qualification pour le Mondial entre l’Algérie et l’Egypte, ne « découvrent » l’entreprise égyptienne à la prospérité douteuse, Orascom avait prospéré sous la protection du pouvoir algérien et avec sa totale complicité. En 8 années d’activité, cette firme de téléphonie mobile avait dominé le marché (Djezzy, la filiale algérienne, comptait 14 millions d’abonnés) et réalisé une plus-value de plus de 2 milliards de dollars sur le dos de l’Algérie en revendant sa filiale algérienne, la société Ciment blanc d’Algérie holding (Ciba) qui regroupe deux cimenteries (M’sila et Mascara) au géant français Lafarge en septembre 2007, quelques années seulement après son acquisition auprès de l’Etat algérien.
Le scandale est que Sawiris, fort de l'appui de Bouteflika, a bénéficié des largesses pour s’installer et pour se renflouer sans aucune difficulté. Banques et ministres de la République étaient à sa disposition.
Orascom, c’est le « carré » de Bouteflika.
L’implantation d’Orascom en Algérie est le fruit d’une magouille couverte par le président de la République et qui eut lieu en 1999, à l’arrivée de Bouteflika au pouvoir. En ce temps-là, les monarchies arabes espèraient une Algérie réorientée vers une engeance arabo-islamique, qui intégrerait leur sphère d’influence, mais également de Bouteflika la reconnaissance du ventre.
Les autorités de Riad et d’Abou-Dhabi furent, en effet, d’une grande prodigalité envers Bouteflika, dans ses années d’exil. Cela commença à Genève, où le futur président algérien avait été pris en charge par Zaki Yamani, alors patron d'Air Harbour Technologies, spécialisée dans le tourisme d'affaires au Moyen-Orient et en Afrique. A Paris, l’ambassade des Emirats payait tous les frais de Bouteflika, ceux du transport aérien notamment. C’était avant que l’ancien ministre tunisien Masmoudi ne l’aida à s’installer aux Emirats.
A Abu Dhabi, Bouteflika avait passé son séjour entre un logement mis à sa disposition par cheikh Zayed Ben Sultan Al Nahyan, chez qui il a travaillé comme vague conseiller à l'Institut des études stratégiques, et l'hôtel Intercontinental, aux frais de l'ancien ministre des Affaires étrangères émirati M. Souidi. Il se rendait assez souvent au Centre culturel de la ville, dirigé par le fils de Souidi, où, dit-on, il participait à des débats privés, parfois des discussions informelles avec des représentants des corps diplomatiques occidentaux et arabes.
Au président Chadli qu’embarrassait cet exil doré accordé à un ancien ministre de la République, cheikh Zayed donna cette explication chafouine : « Mieux vaut que Bouteflika soit pris en charge par les Emirats que par Saddam ou Kadhafi. Et puis, il est préférable pour nous tous qu’il ne subisse pas l’exil en France. »
Une fois élu président de la République, Bouteflika eut la reconnaissance du ventre et se fera fort de se souvenir de l’hospitalité des amis émiratis qui l’avaient hébergé. Il leur accordera de juteux marchés au mépris de la réglementation et le droit de chasser les espèces rares dans le désert algérien.
C’est toute l’histoire d’Orascom et de Djezzy, sa filiale algérienne.
D’une dette que le nouveau président Bouteflika avait envers ses bienfaiteurs émiratis.
Personnage central : Mohamed Al Shorafa affairiste émirati et ami de Bouteflika. Les deux hommes se sont connus aux Emirats dans les années d’exil de Bouteflika. Dès que fut certifiée, en novembre 1998, la désignation d’Abdelaziz Bouteflika par la hiérarchie militaire comme futur président de la République algérienne, Mohamed Al Shorafa s’empressa de créer, le 11 décembre 1998 à Abu Dhabi, une modeste société familiale, dénommée United Eastern Group.
C’est le gérant de cette petite firme toute nouvelle, sans prestige, sans fonds et sans patrimoine que Bouteflika présentera comme « grand partenaire arabe » et qu’il recevra avec tous les honneurs à la Présidence dès juin 1999. Al Shorafa, un escroc notoire, impliqué dans les plus grands scandales de ces dix dernières années, entrera dans le monde des affaires algérien par la grande porte du palais d’El Mouradia. Bouteflika confiera à la modeste United Eastern Group d’immenses marchés, comme la rénovation et l’extension du port d’Alger et de l’aéroport Houari-Boumediène, la construction du port de Djendjen, la zone franche de Bellara et, surtout, la deuxième licence de téléphonie mobile ! L’accord entre cette petite SARL et le gouvernement algérien se fera le 4 août 1999 entre Al Shorafa et le conseiller spécial de Bouteflika, Rachid Aïssat, devant les caméras de la télévision algérienne. L’agence de presse officielle APS rapporte l’évènement, et les journaux publics en feront leur titre de première page !
Mohamed Al Shorafa agissait en fait en tant qu’actionnaire de la firme égyptienne Orascom à laquelle il devait rétrocéder le marché de la téléphonie mobile. Au final, ses relevés de compte montrent que « trois ans après l’ouverture de ses bureaux en Algérie, Al-Shorafa possédait moins de 100 dollars en banque. » Et lorsque les banques publiques refusent de lui accorder des prêts, « des ordres venus directement de la présidence [les] contraignent à débourser l’argent demandé », fonds qui « n’aident même pas au démarrage du plus simple projet ».
Des cadres algériens s’opposent alors à l’arnaque. Il déposera plainte contre le directeur du Matin, plainte qui se soldera par une condamnation à trois mois de prison ferme. Bouteflika nourrira une grande rancune envers les journaux algériens pour cette révélation handicapante pour sa réputation.
Il parviendra cependant à faire bénéficier Orascom de la licence GSM en bafouant toute la règlementation.
Orascom bénéficiera ensuite de l’appui de Bouteflika pour jouir d’un montage financier des banques publiques et privées algériennes pour toute ses activités. Faut-il rappeler également que son projet de réalisation de deux lignes de production de ciment blanc et de ciment gris basées dans la région d’Oggaz près de Mascara a été financé à hauteur de 61% par les banques publiques et privées algériennes ?
Le coût total de cette opération est évalué à 538 millions de dollars (38,74 milliards de dinars). L’histoire retiendra que jamais une entreprise algérienne ou étrangère n’a mobilisé autant de banques de renom pour concéder un montant aussi important.
C’est tout cela, le scandale Orascom…
L.M.