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  • Les trois grandes leçons ignorées par nos décideurs

     

     

     

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    Quels sont les «secrets» les plus importants de la réussite asiatique et des échecs de la plupart des pays sud-américains et africains ? Pourtant, en analysant en profondeur leurs expériences, nous constatons que — grosso modo — les grand choix macroéconomiques étaient les mêmes. Durant les années cinquante et soixante, les options prises n’étaient pas éloignées les unes des autres, il s’agissait de concevoir et d’exécuter une politique de substitution aux importations. La plupart des pays asiatiques réussissaient, le reste dans l’ensemble ratait complètement ses objectifs.

    Durant les années soixante-dix, les deux groupes de pays changeaient de stratégie.  Il s’agissait de choisir quelques secteurs qui devaient promouvoir les exportations. On obtint les mêmes résultats. Les deux groupes n’étaient nullement homogènes. Les atouts, les opportunités, les menaces et les environnements internes et externes de chaque nation différaient parfois drastiquement. On peut toujours trouver dans cette grande diversité une foule de détails dans tous les domaines qui composent ces ensembles disparates. L’histoire, la sociologie politique, la culture, les dotations en ressources, l’organisation économique et sociale, parfois éloignaient et parfois rapprochaient les deux groupes. Mais à l’intérieur d’une même région, des différences parfois substantielles existent d’une manière significative.                         

    Quelles leçons retenir de l’histoire ?

    Schumpeter disait toujours qu’il est beaucoup plus important de se poser les bonnes questions que de chercher les réponses les plus justes. Lorsque les interrogations sont adéquates, les explications erronées seront vite corrigées. Par exemple, si quelqu’un posait la question
    suivante : pourquoi l’Algérie a une faible croissance ; et malgré les énormes ressources injectées l’écart entre nous et les pays émergents se creuse davantage chaque année ?  La question est bonne. La réponse nécessite beaucoup de développements. Si quelqu’un propose d’expliquer cela par la nécessité de disposer de plus de temps, les analyses comparatives peuvent facilement contrecarrer ce point de vue.

    La Corée du Sud qui était moins développée que nous en 1964 a rattrapé en cinquante ans plus d’un siècle et demi de retard et son économie (PIB) est plus de six fois supérieure à la nôtre. L’aide américaine représentait moins de 50 fois nos recettes pétrolières. Il y a donc autre chose que le temps qui expliquerait ces différences de résultats. Les économistes ont coutume de réfléchir en termes des 20/80, c’est-à-dire les quelques variables qui expliquent l’essentiel du phénomène. On peut rarement tout clarifier. Parmi les explications les plus utiles avancées, la suivante fait partie des plus acceptées : les pays asiatiques avaient introduit de bien meilleures pratiques managériales efficaces au sein de leurs institutions publiques et leurs entreprises économiques. Et c’est là où nous avons besoin des trois leçons de l’histoire. La première nous provient du Japon.

    Pays dévasté durant la deuxième guerre mondiale, les politiciens de l’après-guerre se sont dotés d’une grande ambition : figurer parmi les trois premières économies mondiales à la fin du siècle. Une commission d’experts pluridisciplinaires fut constituée afin de dialoguer avec les forces vives de la nation, mais surtout analyser les expériences mondiales afin d’ériger le modèle qu’il fallait. L’Europe et surtout les USA étaient la cible de ces analystes. Leur conclusion fut édifiante : les USA tirent leur  suprématie mondiale non de leurs dotations en ressources, mais surtout de la qualité de leur management. Il fallait donc l’analyser et en transposer tout ce qui n’était pas en contradiction avec les valeurs locales. Cette leçon fut retenue par beaucoup de pays asiatiques. La mise en place des pratiques de bonne gouvernance avait toujours précédé les plans conduisant à l’émergence. La seconde leçon nous provient de l’Europe.

    A la fin des années soixante, l’Europe voulait mettre en place des institutions et des arrangements afin de contrecarrer la suprématie américaine. Elle voulait au moins un contrepoids à l’hyper puissance américaine. Une commission présidée par le Français Jean Jacques Servant Schreiber fut dépêchée pour diagnostiquer le pays rival. C’était le moment où l’on évoquait le management gap (l’écart managérial). Un livre best-seller fut écrit par Schreiber : Le défi américain. Il expliquait que l’écart entre l’Europe et les USA existera tant que le fossé managérial sera présent. Beaucoup de pays (Portugal, Espagne) mettaient autant de ressources pour accroître le stock de capital que pour améliorer la gouvernance. Les résultats furent dans l’ensemble acceptables, avant que la sphère financière incontrôlable et déconnectée de l’économie réelle ne dégonfle ces succès.

    Les institutions administratives ont besoin de plus de management

    La troisième leçon nous provient aussi bien des schémas théoriques que des expériences. Les institutions administratives ont besoin de plus de management que les entreprises économiques. Ces dernières ont pourtant bénéficié de la part du lion en termes de recherches et de développement d’outils. Un hôpital, une université, une association de bénévoles et surtout les institutions publiques (ministères, wilayas, écoles) sont beaucoup plus interpellés que les PME/PMI. La bonne gouvernance n’est qu’une petite parcelle des pratiques managériales.

    D’où la confusion de certains auteurs qui expliquent que le management est une science qui est conçue aux fins de gonfler les profits des capitalistes. Ce serait l’équivalent de dire que l’aéronautique a été conçue pour mettre à genoux les peuples qui se rebellent contre l’Occident par les frappes aériennes. L’usage de l’aéronautique ou du management est une question de choix politique. Drucker considère que l’armée américaine est l’institution qui en a fait le plus usage du management ; plus que toute autre entreprise économique. On peut l’utiliser pour gérer efficacement un orphelinat et rendre plus heureux des enfants ou parfaire l’organisation d’une armée pour soumettre des peuples ou encore augmenter les profits d’une multinationale.

    Cette troisième leçon : utiliser plus de management au sein des institutions à but non lucratif a causé beaucoup de tort à de nombreux pays. En croyant que la seule vertu de la compétition améliorera l’efficacité des entreprises, même si les institutions publiques sont sous-gérées, beaucoup de pays se sont fait hara-kiri. L’expérience algérienne nous apprend que l’on a négligé les trois leçons et surtout la dernière qui est la plus importante. Ceci explique pourquoi nous nous positionnons régulièrement parmi les derniers pays dans la plupart des classements internationaux. Si aujourd’hui on expliquait à un responsable qu’un ministère a beaucoup plus besoin de management que SNVI, il acquiescerait poliment mais serait très dubitatif.

     

    Abdelhak Lamiri : Ph en gestion et économie