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  • Carnaval fi dechra : infos dernières sur la « tchektchouka » des officines.

     

    Législatives 2012 : nouvelle étape dans la guerre des clans

    El Watan Week-end le 23.03.12

    Vous ne comprenez rien à l’inflation de nouveaux partis ? A la démission de Saïd Sadi ? A l’alliance des islamistes ? El Watan Week-en a été à la rencontre de ceux qui tirent les ficelles. Voici leur lecture de ce qui se trame.

    -Quels sont les piliers idéologiques de la campagne ?

    Plutôt que d’idéologie, il faudrait parler de stratégie, s’appuyant sur deux projets : la promotion de l’islamisme politique «modéré» et le soutien du patriotisme comme «matrice essentielle». Le président Bouteflika, qui joue sa crédibilité aux yeux des étrangers et sa survie politique, a misé sur deux chevaux : le nationalisme et l’islamisme. En particulier les islamistes de l’Alliance verte. Les militaires, du moins l’aile politisée, ont préféré, pour ne pas contredire la lutte antiterroriste et rester fidèles à leur discours de lutte contre l’intégrisme religieux, soutenir «leurs» islamistes : Menasra et Djaballah. «Ils les ont matés pour en faire des chevaux de course, ironise un militaire dissident. C’est le président Bouteflika, en jouant au conciliateur, qui les a remis au goût du jour. Il en a même fait un outil de pression sur les militaires soucieux de sauvegarder les acquis de la lutte antiterroriste. 2012 coïncide avec deux anniversaires importants de notre histoire contemporaine : l’indépendance et l’arrêt du processus électoral.»

    -Qui soutient qui ?

    Pour que chaque camp place ses pions, «il fallait insuffler de l’air nouveau dans la sphère politique, d’où la décision de donner des agréments à de nouvelles formations politiques, explique une source proche de la Présidence. Parmi elles, certaines sont proches et soutenues en catimini par le frère du président, Saïd Bouteflika, d’autres, par les services.» Le chef d’un parti politique, nouvellement créé, qui s’affiche comme «nationaliste» sans passif politique, nous assure être «soutenu par Saïd Bouteflika qui nous a assuré d’un succès lors des prochaines législatives». Et il n’est pas le seul, puisque d’autres, principalement issus des associations satellitaires du FLN, en catimini ou en discussion privée dans des salons algérois, se vantent du même soutien. De l’autre côté, un des membres du Mouvement des citoyens libres de Mustapha Boudina, lors de son congrès constitutif, a confié qu’un général était «impliqué» dans cette nouvelle formation. Dans les coulisses du congrès, on nous explique même que ce parti serait mandaté pour accélérer l’effritement du FLN.

    -Quid des programmes politiques ?

    Il n’y en pas. Et c’est peut-être la meilleure preuve de l’instrumentalisation de ces partis. «Il n’y a qu’un programme, celui du Président», souffle un conseiller à la Présidence. En des termes à peine voilés, il précise que celui qui s’amuserait à avancer un programme autre que celui du Président serait immédiatement éjecté du jeu. Résultat : la campagne se joue déjà sur fond de sujets de diversion (inscription des militaires dans le corps électoral, Louisa Hanoune qui attaque Djaballah sur son passé, les guéguerres au FLN avec les redresseurs…) au lieu de débats d’idées et de programmes. «Au final, tout le monde lèvera le doigt pour approuver les projets présidentiels», analyse un militaire en retraite au fait des rouages.

    -Qui est déjà «out» ?

    En tête de liste des politiques grillés : Abdelaziz Belkhadem. «En voulant faire cavalier seul et en annonçant sa candidature prématurée à la présidentielle, il a attiré les foudres du clan présidentiel ; un moment donné, le contact a été rompu entre les deux personnes», assure un proche du cercle présidentiel. Autre largage politique : celui d’Ahmed Ouyahia. «Je peux vous dire qu’il ne participera pas au prochain gouvernement», assure un de ses proches. Désormais, il pourra pleinement s’occuper de sa promotion à la succession d’Abdelaziz Bouteflika. Le dernier en date : Saïd Sadi arrive en fin de mission. «Et on le prépare pour autre chose», précise un militaire. Moussa Touati, du FNA, actuellement 4e parti au Parlement, a rejoint les militaires. «Il est dépassé, a perdu beaucoup de son électorat en majorité populaire, et de sa crédibilité, poursuit le militaire. Mais on le garde, parce que même s’il fait 5%, c’est toujours utile.»

    -Que va devenir le FLN ?

    Le parti obtiendra un gros score, cela ne fait aucun doute pour personne, même s’il sort de ces élections encore plus fragilisé. Car à travers la fracture historiques/redresseurs, ce sont aussi les deux camps du pouvoir qui s’affrontent. Le FLN reste cette carte maîtresse que «Bouteflika ne veut pas perdre. Il s’agit du plus grand parti politique du pays et un des piliers du système, le clan présidentiel voit dans la division du FLN une tentative des services de reprendre la main sur le FLN, car trop éloigné et qui a prêté allégeance à Bouteflika», analyse un militaire. Autre enjeu : la succession de Belkhadem. Qui le remplacera et de quelle manière ? Sera-t-il une personnalité fédératrice à même de réconcilier à nouveau les deux camps ? Pour l’instant, aucun nom ne circule.

    -Que se passera-t-il en cas de forte abstention ?

    On reviendra aux vieilles recettes, c’est-à-dire que la configuration de l’actuelle Assemblée sera reconduite avec quelques réajustements, en d’autres termes, plus de place aux nouveaux partis dits islamistes au détriment des sièges du RND et du FLN, fidèles serviteurs du pouvoir. La donne islamiste radicale écartée, reste les salafistes «matés» par le pouvoir (la preuve : l’ex-FIS appelle au boycott), les islamistes soft et les islamistes affairistes, faciles à manier.

    -Comment les islamistes vont-ils se placer ?

    Rien ne sert d’envisager une victoire à la tunisienne ou à la marocaine, spécificité algérienne oblige. Chez nous, les islamistes répondent à un nouveau casting dont on se sert pour encourager les gens à aller voter. «Pensez-vous que les islamistes peuvent changer la donne ou renverser l’ordre établi ? s’interroge un général. Nous les connaissons ces gens-là, tous des affairistes. Et la bataille se joue là justement, la politique n’est qu’un fonds de commerce et une certaine assurance pour eux.»

    -Si les jeux sont déjà faits, à quoi servent ces élections ?

    Les vrais résultats serviront de test pour le pouvoir, afin de préparer «l’après-Bouteflika». Ces législatives ne sont en réalité qu’un sondage «institutionnel» afin de connaître le poids de chacun sur la scène politique nationale et son ancrage dans la société. Car le pouvoir, après avoir fermé la scène politique durant des années, ignore la véritable composition politique du pays. «Nous n’avons pas suffisamment d’études pour peser la masse de chaque courant idéologique ou politique, nous soupçonnons certains syndicats autonomes de rouler pour des formations politiques, d’autres pour des intérêts étrangers, en réalité nous ne connaissons pas grand-chose», avoue un haut responsable. C’est dans cette perspective que les deux camps ont, l’an dernier, mené des enquêtes sur les animateurs des syndicats, les associations, les partis politiques et même… des imams !

    -Faut-il croire à l’engagement soudain du FFS ?

    Non. «Cette participation a été négociée sur le tarmac de l’aéroport militaire de Boufarik fin 2011», confie un militaire sans nous révéler la teneur de la négociation. «Il faut comprendre que cette participation est une chance inespérée pour le pouvoir de légitimer un scrutin qui intervient dans une conjoncture délicate», analyse un ex-chef du gouvernement. Pour d’autres, il ne s’agit que du fruit d’un rapprochement entre Hocine Aït Ahmed et Abdelaziz Bouteflika.

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    Retour sur des tractations

    Le discours est prononcé en catastrophe pour annoncer des réformes politiques. Nous sommes le 15 avril 2011. La rue arabe se révolte. L’Algérie est secouée par des émeutes. Le président Abdelaziz Bouteflika, qui apparaît à bout de souffle à la télévision d’Etat, promet aux Algériens la reprise du processus démocratique. «Il ne voulait pas de ce discours, il a été sommé de le faire par l’état-major de l’armée réuni en urgence à la présidence de la République», confie un haut gradé de l’armée sous le couvert de l’anonymat. Les réunions s’enchaînent, des consultations sont lancées pour sonder la classe politique et la société civile. Deux civils et un militaire dirigent les consultations : le général Touati dit «el mokh» ou l’éminence grise de l’armée chapeaute le projet des réformes politiques en étroite collaboration avec Mohamed Ali Boughazi, proche parmi les proches conseillers du Président.

    La dernière semaine du mois de Ramadhan connaît trois conclaves déterminants : deux réunions du Président avec l’armée, et celle réunissant Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem, Abdelaziz Ziari, Abdelkader Bensalah et d’autres proches conseillers. Les pourparlers portent sur le contenu à donner aux réformes promises et débouchent sur une série de projets de loi. Pendant ce temps-là, les deux clans au pouvoir mènent en solo, chacun de son côté, des consultations avec des personnalités politiques et militaires influentes. «Des rencontres informelles avec des généraux en retraite, des ex-chefs de gouvernement, des chefs de parti politique, pour connaître les avis de chacun concernant la situation politique du pays», révèle une source proche de la Présidence.

    Les avis divergent et chaque clan tente à sa manière de sceller des alliances. «En novembre, une importante réunion entre le Président et les représentants de l’état-major conclut à la nécessité d’ouvrir le champ politique et d’encourager les formations politiques à s’engager énergiquement dans le jeu politique en vue des législatives», révèle une source au courant de la teneur de la réunion. Contrairement aux diverses supputations colportées çà et là, «le modèle turc n’inspire ni les militaires, encore moins le clan présidentiel, attestent plusieurs de nos interlocuteurs. Les décideurs seraient “plutôt favorables” à un partage équitable du pouvoir.

    Les militaires ne veulent pas de la mainmise des civils, la situation ne le permet pas», révèle un haut gradé de l’armée. Ceux qui dérangent, comme Sid Ahmed Ghozali, sont définitivement écartés du jeu. «Son tort a été de défendre l’idée de la réorganisation des services», nous lâche-t-on. Les deux camps se quittent alors sur un deal : «Faisons de la politique, que le meilleur gagne !» La seule condition : ne pas toucher aux intérêts du régime.

    Zouheir Aït Mouhoub