La défense se retire, le parquet requiert la peine maximale
Le Soir d'Algérie,
Le verdict dans l’affaire opposant la DGSN à ABM (Algerian Business Multimedia) sera connu ce 29 janvier, a indiqué le président de la 8e chambre correctionnelle de la cour d’Alger, M. Tayeb Hellali. Quelques minutes auparavant, le représentant du ministère public avait requis dix ans de prison ferme contre les 25 mis en cause, dont le colonel Oultache, l’ex-chef de l’unité aérienne de la Sûreté nationale.
C’est tard dans la soirée de jeudi dernier qu’a pris fin le procès opposant la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) à la société privée ABM, spécialisée dans la vente de matériel informatique. Le procès mis en délibérée pour le 29 du mois en cours a été notamment marqué par l’absence de la défense qui a décidé de se retirer. Une décision prise par le collectif des avocats de la défense, une heure après le début du procès. Ainsi, à l’exception d’Oultache et son gendre Sator, les autres personnes mises en cause dans l’affaire DGSNABM ont accepté d’être jugées en l’absence de leurs avocats. Il s’agit du principal fait marquant de ce procès en appel qui a duré au total huit heures. Or, le procès a connu un rebondissement auquel personne ne s’attendait, et ce, même si la défense a laissé entrevoir, dès le début de l’audience, sa détermination à engager un bras de fer avec le juge. Il a fallu donc moins de deux heures pour que les robés noires tranchent la question en décidant de se retirer de la salle d’audience, qualifiant la tenue du procès de «mascarade». «Cette décision est motivée par le fait que le rapport de l’inspection générale de la DGSN cité dans différents actes de procédure du dossier n’a pas été mis à la disposition du collectif», expliquent les avocats dans un communiqué rendu public. Et d’ajouter : «Le document est d’une importance fondamentale pour la manifestation de la vérité. De ce fait, le collectif des avocats estime que la rétention volontaire de ce document est de nature à porter atteinte aux droits de la défense et porte atteinte aux garanties d’un procès juste, objectif et équitable. Par conséquent, la persistance de ce refus met la défense dans l’obligation de se retirer afin de ne pas cautionner une parodie de justice, incapable d’assurer les conditions minimales d’un juste procès. C’est pourquoi le collectif des avocats prend à témoin l’opinion publique sur les graves dérives affectant le cours normal de la justice qui ne peut se réhabiliter sans la garantie des droits de la défense et du justiciable.»
«Je suis le premier défenseur du droit»
Mais avant de se retirer définitivement de l’audience, la défense, au nombre d’une vingtaine d’avocats, a engagé des «pourparlers» avec le juge d’audience, M. Tayeb Hellali. L’objectif recherché était de ramener la justice à donner suite à leur revendication. C’est le bâtonnier d’Alger Me Sellini Abdelmadjid qui a été chargé par les avocats de faire part de la décision du collectif, lors du mini-conclave qui s’est tenu durant une heure. «M. le juge, nous considérons que les conditions de la tenue d’un procès équitable ne sont nullement réunies. Comme nous vous l’avions exprimé lors de la dernière audience, la défense revendique la présence du rapport d’inspection. C’est un document que la défense considère d’une importance fondamentale pour la manifestation de la vérité. Or, un mois est passé depuis la dernière audience mais rien n’a changé. Face à cette situation, la défense considère que les conditions de la tenue d’un procès équitable ne sont pas réunies et, de ce fait, nous ne pouvons cautionner cette mascarade», a signifié Me Sellini. Le président d’audience engage le débat et tente de faire revenir la défense sur sa décision. «Je suis le premier défenseur du droit. Je ne suis qu’un arbitre dans cette affaire. Il n’y a pas d’arrière-pensée. Mais je ne peux pas accéder à une demande qui n’existe pas à mon niveau. Laissez la justice faire son travail et, croyez moi, seul le droit sera maître de nos actes. C'est une façon de tordre le bras du tribunal et je n'accepterai pas cela», a-t-il dit, affirmant que «le document n'existait pas dans le dossier et qu'il n'était pas nécessaire pour juger l'affaire», a-t-il expliqué. Le juge use de tous les arguments pour convaincre les avocats à renoncer à leur décision. Mais en vain. La décision des robes noires est irréversible. «Elle est scellée et non négociable », lâche un avocat membre du collectif.
«Je serai sourd et muet»
Les robes noires se retirent créant une situation des plus inédites, d’autant que le président du tribunal a décidé de juger l’affaire «quelle que soit la situation», soulignant que rien de réglementaire «ne puisse s’opposer à sa tenue». C’est à ce moment qu’il appelle Oultache Chouaïb à la barre. «M. Oultache, vos avocats ont décidé de se retirer du procès. Quelle est votre position et comptez-vous être jugé sans leur présence?», lui demande le juge Hellali. «Je serai sourd et muet à vos questions en l'absence de mon avocat», rétorque le colonel Oultache. Même position affichée par son gendre M. Sator. «Je suis innocent, M. le président. Je n’ai rien à voir dans cette affaire. Mes avocats ont les preuves de mon innocence. J’ai entamé une grève de la faim en prison pour revendiquer un procès équitable. Aujourd’hui, ma défense a décidé de se retirer de l’audience. Elle est mieux placée pour faire valoir mes droits et, par voie de conséquence, je ne peux être jugé sans sa présence», a-t-il. Toutefois, à la différence d’Oultache et de Sator, le reste des prévenus ont donné leur accord pour être jugés sans la présence de leurs avocats. Ce qui a suscité des interrogations chez les parties en présence. Cela étant, le juge Hellali entame le procès, en appelant le premier prévenu. Il s’agit de M. Fettal, un des membres de la commission des marchés. L’audition de ce dernier a duré au moins une heure durant laquelle le magistrat a tente de soustraire certaines informations. Le procès s’est poursuivi tard dans la soirée et se poursuivait hier vendredi. Pour rappel, c'est la troisième fois que la défense réclame ce rapport à l'origine de l'inculpation et de la condamnation du colonel à sept ans de prison, six pour son gendre et de trois à quatre ans pour les officiers de police. Trois accusés ont été relaxés. Cette affaire concerne du matériel informatique et les 25 accusés avaient été inculpés pour «passation de marchés publics en violation de la législation, dilapidation de deniers publics et trafic d'influence» en 2007 au profit de la société Algerian Business Multimedia (ABM).
Abder B.
justice n'est pas indépéndante
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AFFAIRE DGSN-ABM