Par : Salah Yermèche
“N’oublions pas, la solidarité doit être de mise dans toute la région”, clamaient les orateurs qui se sont relayés au mégaphone durant les obsèques.
Ayant succombé vendredi matin à ses blessures après avoir été victime, rappelons-le, en compagnie de son jeune cousin Omar, d’un faux barrage dressé dimanche dernier vers 21 heures par un groupe de plusieurs hommes armés au lieu-dit Bouhlalou, à quelques encablures d’Aghribs village, l’entrepreneur Hend Slimana, dit Hidouche, a été inhumé hier au cimetière de Sidi Yahia El-Kemmadi (Imekhlaf) dans un climat de consternation et d’indignation indescriptibles. Des milliers de citoyens de la région des Ath Jennad et d’autres régions de la Kabylie sans compter les milliers de femmes des villages environnants présentes autour de la modeste demeure de la famille Slimana, ont tenu à rendre un dernier hommage à la malheureuse victime, et une véritable procession humaine a accompagné le regretté à sa dernière demeure. Le charisme de cet homme de 48 ans, ravi aux siens et à l’ensemble de la région à la fleur de l’âge, dépasse les frontières de sa commune natale, voire même celle de la wilaya de Tizi Ouzou, tant il ne lésinait jamais dans l’aide personnelle au profit des villages les plus isolés de la région, notamment dans les travaux de réfection des routes et autres besoins qu’exprimaient ses concitoyens dans la région, lui qui était connu pour avoir géré tel qu’il se doit son entreprise de bitume et de goudronnage. “Non seulement il a toujours aidé les plus démunis, mais aussi les jeunes de la région sans oublier notre club-phare la JS Kabylie”, nous dira un groupe de jeunes citoyens du village, des dires qui nous sont confirmés par des personnes proches du club kabyle qui ont tenu à assister à l’enterrement. Plusieurs personnalités et cadres de la wilaya (membres de l’APW, des députés, des sénateurs, le président de la JSK, le directeur de wilaya de la culture, des maires des régions environnantes…) ont tenu à saluer par un dernier adieu la dépouille de ce “jeune constructeur qui a relevé tant de défis et honoré tel qu’il se doit la région des Ath Jennad”, dira un sage du village. Plusieurs heures ont été nécessaires à cette véritable marée humaine venue lui rendre un dernier hommage, un dernier adieu avant de porter douloureusement sa dépouille vers sa dernière demeure située non loin du village d’Imekhlaf dans le cimetière de Sidi Yahia El-Kemmadi, un mausolée pour lequel le défunt Hidouche Slimana et sa famille avaient beaucoup contribué par leur aide considérable dans son entretien, sa réfection, sa restauration. Mieux encore, de nombreux villageois affirment que le revêtement de la route d’accès vers ce lieu très respecté où les citoyens d’Aghribs, Tazerout, Imekhlaf, R’bedh, Aït Ouchene, Tamassit, Agraradj, pour ne citer que ces villages environnants, célèbrent régulièrement les fêtes et cérémonies traditionnelles, notamment celle de Achoura, et/où le défunt ne passait jamais inaperçu pour son aide, sa bienfaisance et son dynamisme. Des imams, des membres de la coordination des comités de village de la région constituant la cellule de crise créée après ce drame qui frappe dans leur chair l’ensemble des archs environnants, puis le président de l’APC d’Aghribs, se sont relayés au mégaphone pour “remercier tous ceux qui sont venus nous soutenir dans cette douloureuse épreuve qui nous a blessés tous dans notre chair. Vous êtes venus réconforter et soutenir ceux qui construisent, ceux qui peinent et se sacrifient pour l’intérêt général de la population, nous vous demandons d’être plus unis et davantage mobilisés pour savoir d’où le coup est venu. Hidouche était un homme qui a toujours aidé les pauvres et les démunis. C’était un enfant du terroir qui aimait sa région et qui a choisi de vivre modestement dans son village, avec les siens. C’est pour ça que vous êtes tous venus pour lui rendre l’hommage qu’il méritait. N’oublions pas, la solidarité doit être de mise dans toute la région”, clamaient les orateurs avec des voix nouées d’émotion. Par ailleurs, les différents orateurs ont annoncé que la cellule de crise d’Imekhlaf a décidé, en collaboration avec la coordination des comités de village, d’organiser lundi prochain, à Fréha, une marche pacifique et silencieuse de soutien et de mobilisation pour exiger la libération, sain et sauf et sans conditions, de son cousin Omar, toujours entre les mains de ses ravisseurs et dont on n’a toujours pas de nouvelles. La marche s’ébranlera demain à 10h à partir du stade municipal de Fréha et prendra fin par un rassemblement populaire à la place centrale de la ville de Fréha, alors que les commerçants de la localité ont été aussi appelés à observer une grève générale qui durera toute la matinée, soit jusqu’à 12h.
Par : Saïd Chekri
On ne laisse pas à la Kabylie d’autre choix que celui de se prendre en charge. Se prendre en charge a, ici, une seule signification possible : prendre les armes. Tout indique qu’elle le fera. Peut-être plus tôt qu’on le croirait.
Une soixantaine d’enlèvements en moins de quatre ans. Tel est le lot de la Kabylie. De la Kabylie seule. Une soixantaine d’enlèvements, et au bout, un mort, Hend Slimana, père de famille sans histoire, entrepreneur dynamique, généreux, affable et amoureux de la JSK, qu’une foule nombreuse, en colère mais digne, a accompagné hier à sa dernière demeure. Une soixantaine d’enlèvements, un mort…Mais ce n’est pas tout : une personne, le cousin de l’entrepreneur assassiné, est encore aux mains de ses ravisseurs, alors qu’une autre, à Tazmalt, toujours en Kabylie, vient d’échapper de justesse à une opération de même type.
Trop, c’est trop ! Cet énième coup de poignard dans le dos de la Kabylie semble marquer un tournant. La population de la région, plus que jamais excédée, ne se pose plus la question de savoir pourquoi on lui impose cette précarité sécuritaire. Elle sait qu’on tente ainsi de lui faire payer son refus de se plier aux diktats, tous les diktats, “d’où qu’ils viennent”, pour reprendre l’expression en vogue des années 90. Elle ne se pose même plus la question de savoir quand cessera l’enfer. Elle sait que l’enfer ne tombe pas du ciel. Elle sait donc que le salut viendra d’elle-même… ou ne viendra pas.
Comme il y a quelques années, on ne laisse pas à la Kabylie d’autre choix que celui de se prendre en charge. Se prendre en charge a, ici, une seule signification possible : prendre les armes. Tout indique qu’elle le fera. Peut-être plus tôt qu’on le croirait. Car, qu’on ne s’y trompe pas, la Kabylie ne veut plus continuer à compter les rapts qui ciblent ses enfants. Encore moins à compter ses morts. Elle ne se contentera plus de se mobiliser cycliquement pour obtenir leur libération.
On ne sait pas si le scénario est au programme de quelque laboratoire occulte mais l’on sait qu’une Kabylie qui crie aux armes, cela n’irait pas sans provoquer des grincements de dents. Mais pas seulement : bien des désordres risqueraient d’être au rendez-vous et des “dommages collatéraux” ne seraient pas à écarter. Qui oserait alors reprocher à une région d’organiser la riposte pour sa survie? Sûrement pas ceux qui, depuis quelque temps, trouvent politiquement payant de jouer avec le feu en abandonnant, voire même en livrant la région au terrorisme, au banditisme et à la délinquance et qui, ce faisant, poussent les investisseurs potentiels à regarder ailleurs et des opérateurs économiques à délocaliser leurs activités vers d’autres contrées. Car si la Kabylie est décidée à en finir avec l’insécurité sous toutes ses formes, c’est aussi à ceux-là qu’elle dit aujourd’hui : “Basta !”