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l'eau

  • Du goudron et de l'eau, à défaut de plumes

     

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    Titre d'un rapport repris par la presse : «Un Algérien sur quatre n'a de l'eau potable qu'un jour sur deux.» Ce qui ne veut pas dire qu'un Algérien sur deux a de l'eau potable un jour et demi par jour, mais que trois Algériens sur quatre sont heureux tous les jours en plus du quatrième tous les deux jours. Mais que peut bien faire l'Algérien sur quatre le jour où il n'a pas d'eau ? Comment gérer un peuple ? Les Romains y avaient déjà répondu : du pain et des jeux, avec vente de panini pendant l'entracte. Et à la question «Quel est le bilan de Bouteflika ?», ses partisans répondent en chœur : «De l'eau et des routes.»

    En 14 ans de pouvoir, il aura dessalé l'eau de mer et construit des routes, ce qui est déjà mieux que dessaler du goudron et construire de l'eau. Mathématiquement donc, si un Algérien sur quatre n'a de l'eau qu'un jour sur deux, combien sont-ils quotidiennement à applaudir au bilan de Bouteflika ? En gros, combien seront-ils à voter pour son quatrième mandat, ou plus probablement pour la révision de la Constitution qui porterait le mandat présidentiel à 7 ans ? En théorie, 3 sur 4, 75% de oui, peut-être même 4 sur 4 (100%), si le vote se déroule le jour où il y a de l'eau pour le quatrième. Sauf que, selon un autre rapport de l'ONU sur le bonheur (oui, l'ONU s'ennuie parfois), les Algériens ne seraient ni heureux ni malheureux, à la 73e place dans le classement mondial, soit une position médiane.

    En gros, un Algérien sur deux serait donc heureux et le malheureux des deux doit être celui qui n'a de l'eau qu'un jour sur deux. Il en manque un ? C'est l'Algérien qui a de l'eau tous les jours et qui est malheureux. Mais vont-ils encore voter pour Bouteflika ? Tout dépend. Selon un dernier sondage, trois élections algériennes sur quatre sont truquées et une élection sur quatre n'est pas propre, avec ou sans eau. Ouf, c'est réglé. Il est temps de prendre un verre. Boire ou gouverner, il faut choisir.

     

    Chawki Amari
  • Illizi : l'eau, Belmokhtar et le biométrique

     

    NOTES DE VOYAGE

     

    par Notre Envoyée Spéciale A Illizi: Ghania Oukazi, Le Quotidien d'Oran, 14 janvier 2012

    Confrontées à une conjoncture sécuritaire assez particulière et alarmante, les régions du Sud du pays posent un véritable dilemme aux autorités centrales et locales.

    Le ministre des Ressources en eau nous avouait en ce froid matin d'In Amenas, que cela fait six ans qu'aucun ministre n'a rendu visite à cette daïra de la wilaya d'Illizi. Abdelmalek Sellal l'avait dit avec une pointe de fierté parce qu'il était sur place mardi dernier. Il avait passé deux jours entre Djanet, Illizi et In Amenas pour s'enquérir de l'état des structures et équipements assurant l'alimentation en eau potable à ces contrées lointaines du grand Tassili. Paradoxe des temps et surtout de la nature, ces régions, aussi désertiques qu'elles soient, ne manquent pas d'eau alors que la guerre de l'eau a été déclenchée depuis longtemps à travers le monde. Le conflit israélo-arabe au Moyen-Orient en entretient de violents chapitres.

    Les populations de la wilaya d'Illizi posent juste le problème de la couleur et du goût de cette importante ressource qui est «rouillée». Elle est de couleur «terre» parce que disent les spécialistes, elle a une teneur excessive en fer. «Buvez cette eau au lieu de manger des lentilles, comme ça, vous allez équilibrer le taux du fer dans votre organisme», leur a conseillé Sellal sous forme de boutade cocasse qu'il est le seul membre du gouvernement à savoir en sortir même dans des moments difficiles.

    La nature semble être restée plus clémente que l'homme à l'égard de ces populations qui peinent à assurer leur quotidien. L'on admet sans complaisance aucune, que beaucoup de «bonnes» choses ont été faites au niveau d'un grand nombre de communes à l'exemple de la construction de logements, quelques routes et même si ce ne sont que des petites écoles et de minuscules centres de santé. Mais si même les villes du Nord algérien souffrent de pénuries de médicaments nécessaires à des pathologies pourtant tenaces et très répandues dans le pays comme les cancers, il est évident qu'au fin fond du Sahara, les conditions de santé ne peuvent être que pires.

    CES FEMMES QU'ON ABANDONNE A LEUR DETRESSE

    L'on apprend que des missions médicales itinérantes sont certes organisées de temps à autre dans ces régions pour dépister notamment le cancer du sein. «Mais aucun suivi n'est fait, les femmes sont abandonnées à leur sort et à leur stress mortels sans qu'il leur soit apporté les soins nécessaires. «Nous aurions aimé qu'elles n'aient pas été dépistées pour qu'elles ne sachent rien de leur état de santé», nous disait lundi dernier un habitant d'Illizi. «Elles auraient ainsi continué à vivre sereinement sans affolement et sans qu'elles se soient mises à redouter la mort à chaque seconde de leur vie», constate-t-il.

    Il est vrai que dans ce marasme ambiant, mieux vaut ne rien savoir de ce qui ronge des êtres dénués de moyens et privés de l'attention de l'Etat qui en est pourtant une de ses obligations envers ses citoyens. L'ouverture de centres de santé équipés pour soigner et gérer la douleur des malades représente une des urgences que les autorités centrales se doivent d'assurer à ces populations. Une promesse que le ministre de la Santé a faite et se doit en principe d'honorer dans les plus brefs délais. Quoique le reste, tout le reste, en commençant par des conditions élémentaires d'une vie à peu près descente, relève aussi de l'urgence.

    Il semble cependant que les décideurs peinent à trouver des solutions à un gros dilemme, celui de développer ou pas ces régions. En effet, ils semblent ne pas savoir s'ils doivent agir promptement pour assurer les conditions de vie nécessaires à des populations qui ont incontestablement besoin d'être stabilisées, soignées et rassurées ou alors les laisser végéter pour ne pas qu'elles subissent le fléau de l'émigration clandestine et ce, en attirant les migrants des pays du Sahel dont le dénuement accentuera la prolifération du crime sous toutes ses formes et celle de toutes les maladies lourdes comme le sida.

    «IL Y A DES JEUNES QUI CONNAISSENT LE DESERT COMME LEUR POCHE»

    La détérioration de la situation sécuritaire dans le Sahel, entretenue par de violentes guerres fratricides, le terrorisme, le crime organisé, la contrebande de tout genre, la déstabilisation de la Libye et autres problèmes économiques et sociaux, renvoie indéniablement des conséquences alarmantes vers l'Algérie, tout particulièrement vers les régions frontalières.

    Illizi, qui n'est loin ni de la Libye, ni du Niger, ni du Tchad, ni du Mali, est racontée aujourd'hui au présent d'une situation sécuritaire troublante. «Toute la contrebande ici est alimentée par des commanditaires qui vivent soit au Niger ou au Mali», nous disent des jeunes. Le cas Laouar Belmokhtar est le plus évoqué quand il s'agit de soupeser les moyens humains et matériels et les facilités d'intervention sur des immensités terrestres marquées par des paysages lunaires. Les habitants rappellent que Belmokhtar réside au Mali parce que, disent-ils «il ne peut rentrer en Algérie, il est grillé». Et c'est donc de l'extérieur qu'il commande et dirige, dit-on, des actions de contrebande, de transcriminalité. Un habitant qui semble bien au fait de pareilles situations commencera d'abord par dire que «l'Algérie devra s'entendre avec le Japon pour qu'il bloque pour un certain temps la construction des Toyota Station». Il affirme ainsi que tous les trafics, quelles que soient leur nature et leur ampleur, se font à bord de ces voitures tout-terrain, «équipées pour affronter ou semer même le diable». Ceux qui conduisent ces véhicules sont, aux yeux de notre interlocuteur, «de véritables boussoles». Il est persuadé qu'ils connaissent «par cœur ces espaces désertiques déserts tout autant que leurs nombreuses sorties sur les quatre coins cardinaux». Notre accompagnateur raconte que «ceux qui sont à bord de ces voitures peuvent rouler jusqu'à 3 000 km sans arrêter. «Ils mettent à l'intérieur de la voiture la marchandise qu'ils veulent faire arriver à bon port et sur son toit, des jerricans d'essence. Quand ils ont besoin de refaire le plein, ils ne s'arrêtent même pas, ils ont appris à remplir le réservoir alors que le véhicule continue de rouler, ils ne veulent perdre aucun minute», dit-il. Notre interlocuteur est persuadé que beaucoup de jeunes dans ces régions connaissent bien le désert. «Ils peuvent être recrutés pour servir de guide aux brigades d'intervention, ils connaissent le désert comme leur poche», assure-t-il.

    CES VOITURES QUI COMMETTENT LE CRIME

    Pour le reste de l'approvisionnement en eau ou en alimentation, notre source affirme que «plusieurs points existent, que ce soit au niveau de sorte de trous creusés un peu partout dans le désert ou des abris de fortune qui passent inaperçus. «Pour chaque point d'approvisionnement, ils fixent un repère qu'ils sont les seuls à connaître et à retrouver», fait-on savoir. Nos interlocuteurs avouent que ces groupes criminels agissent avec une rapidité inouïe. «Ils possèdent un matériel de transmission sophistiqué, ils gèrent aussi leurs affaires avec le téléphone Ethouria», explique l'un d'entre eux. Ce genre de transmission est, faut-il le signaler, un «engin» dont les seules vibrations sont captées par le plus petit satellite. Leur acquisition est déjà minutieusement contrôlée par le monde des puissants et les différents services de sécurité. Leur traçabilité est ainsi assurée. Ce sur quoi nos interlocuteurs tombent d'accord, c'est que, affirment-ils, «l'Algérie est devenue un grand pays de transit du crime que commettent des réseaux très bien organisés». La drogue, qu'on dit «principalement provenir du Maroc, descend vers la Mauritanie, passe par l'Algérie frontalière, transite par la Libye, l'Egypte, Israël pour être dispatchée à partir des Emirats arabes unis vers les autres pays du Golfe et autres pays d'Asie. «Le phénomène n'est pas nouveau, les itinéraires sont connus, les trafiquants travaillent à l'aise», estiment nos interlocuteurs. Au fait, un natif d'Illizi nous a fait savoir que «les véhicules japonais utilisés pour des actions transcriminelles ne peuvent être ni achetés ni vendus en Algérie». Il affirme que «c'est une instruction d'Ouyahia qui interdit leur commercialisation et aussi à leurs propriétaires de ne les revendre à personne». «Mais il y a en beaucoup qui viennent des pays du Golfe», ajoute-t-il.

    «AIDEZ-NOUS A REGLER NOS PROBLEMES»

    En faisant remarquer qu'aucun ministre n'est venu à In Amenas durant les six dernières années, Sellal pense que sa visite en entraînera d'autres de ces collègues des autres secteurs. Ce qui pourra contribuer à lancer des plans de développement socio-économiques intéressants. Les analystes pensent en effet qu'il est impératif que les stragèges de la lutte antiterroriste incluent dans leurs approches le développement des régions frontalières. Si l'eau est source de vie, sa disponibilité pourrait donc booster les initiatives et contribuer à la création de diverses activités économiques et sociales. C'est un peu l'esprit qui a prévalu dans la réalisation du projet de transfert de l'eau d'In Salah vers Tamanrasset avec obligation de raccorder les quelques localités se trouvant sur les tronçons reliant les deux pôles. Avec toute la sagesse que leur ont léguée la sérénité et l'immensité des territoires, les populations de ces régions savent aujourd'hui plus qu'à une toute autre conjoncture, qu'In Amenas, Hassi R'Mel ou Hassi Messaoud nourrissent l'Algérie tout entière mais les laissent parfois ses propres enfants sans toit décent.

    «Nous n'avons rien ici, rien du tout ! Aidez-nous à régler nos problèmes !», a lancé un habitant d'In Amenas à l'adresse du ministre des Ressources en eau. Imprévisible plaisantin qu'il est, Sellal lui demande : «Tout ? On peut alors vous ramener du whisky ?». L'infortuné lui répond sans réfléchir : «Ramenez-le, même si moi je ne bois pas, d'autres le feront !». Des moments de détente que tout le monde apprécie même si l'état miséreux de l'environnement dans lesquels les propos ont été exprimés ne prête pas au rire. Sellal disait à répétition aux responsables de son secteur de travailler en comptant avec le long terme. «Ne voyez pas petit, pensez à 2050, 2060 !», exige-t-il d'eux. «Le secteur agricole est mort à cause du manque de moyens d'irrigation», lui a dit un agriculteur. «Je suis venu aujourd'hui pour vous régler tous vos problèmes d'eau,» lui a-t-il répondu. «Certains responsables font des projets qui ne servent à rien parce qu'ils ne consultent pas la population pour connaître ses besoins», lui a dit un habitant de Djanet.

    ILLIZI SE MET AU BIOMETRIQUE

    «Battez-vous pour faire entendre votre voix et participer dans la gestion des projets», conseille le ministre à un membre de la société civile. «Notre ville est délaissée, personne ne tape sur la table pour elle», lâche un citoyen d'Illizi. «Qu'est-ce que je suis venu faire ici alors ?», interroge le ministre. «L'eau nous coûte cher, en plus, il faut qu'on ait la pompe pour qu'elle coule dans les robinets parce que le débit est très faible, celui qui n'a pas d'argent pour l'acheter, il l'a au compte-goutte», lui explique un habitant d'un quartier de la ville. «Es-tu sûr que l'eau est jaillissante ?», demande un responsable central à son collègue de l'ANRH». «Non seulement elle est jaillissante mais de bonne qualité», rassure le DG de l'Agence lorsqu'il a fait part de transfert d'eau à partir de trois localités différentes vers In Amenas. «Pourquoi avoir attendu autant d'années pour remédier à la couleur et au goût de l'eau de la région ?», avions-nous demandé au ministre. «A chaque temps, ses exigences !», a-t-il répondu. «Vous devez nous dire exactement qui est le plus rentable pour les populations, la réalisation d'une station de déminéralisation ou le transfert de l'eau sur un itinéraire de 100 km des régions avoisinantes à In Amenas», recommande-t-il à un de ses cadres. «Tout en réglant ces questions, nous nous devons de penser à des horizons lointains pour les générations à venir», dit Sellal. «Pour que demain, après notre mort, on ne nous insultera pas», a-t-il noté. «Que Dieu vous bénisse ! Nous prierons pour vous pour que vous deveniez président de la république !», lancent en cœur des notables de la région à Sellal avec qui il discutait aisément en targui.

    Au-delà des multiples vicissitudes qui la rongent, Illizi a quand même acquis le système d'établissement du passeport et de la carte d'identité biométriques. «La procédure du passeport biométrique a été enrôlée la semaine dernière au niveau de près de 150 daïras de la wilaya d'Illizi», nous a assuré le wali lundi dernier. «A partir de cette semaine, aucun passeport classique ne sera délivré. Désormais, les dossiers déposés recevront le passeport biométrique», a-t-il affirmé.