Par : Mustapha Hammouche
Dans un pays où l’on s’émeut d’un rien, l’École peut enchaîner quatre semaines de grève sans que cela suscite le moindre mouvement d’humeur dans la société.
Il n’est pas, ici, question du bien-fondé des positions respectives de la tutelle et des syndicats des personnels scolaires et parascolaires. Le pouvoir a pris le parti de fonder sa “stabilité” sur sa capacité à répondre aux revendications sociales et la société, quant à elle, a intégré le réflexe de pousser l’État jusqu’à ses derniers retranchements budgétaires. Par catégories professionnelles successives, les fonctionnaires montent à l’assaut du Trésor public. Et par catégories sociales, la société fait de même. Travailleurs, chômeurs, mal-logés reviennent alors parfois avec une augmentation, un crédit ou un appartement pour butin. En attendant la prochaine campagne de revendication.
L’État tient bon, quand il le peut, et cède, quand il ne peut pas faire autrement. Alternativement, il fait la sourde oreille, en appelle à la justice, réprime, cède ou dialogue, selon les circonstances. La dialectique rentière est parfaitement rodée. Elle est constante et elle s’applique à tout “conflit social”, avec des variantes qui dépendent du rapport de force. Que le problème affecte l’administration locale, la poste, le transport urbain ou l’école, la réponse ne varie pas : la rigidité, suivie de dialogues sans fin. Dans tous les cas, avec des résultats qui se font longtemps attendre. Et avec toujours la même patience de la part des “partenaires sociaux”.
L’École aussi doit attendre. Pendant ce temps, les enseignants brandissent la question de leur statut, de leur traitement et de leurs conditions de travail, et les parents s’inquiètent de la garde de leurs enfants et des vacances qui risquent d’être perturbées. On peut supposer que, parallèlement, les cours dits de soutien, qui aujourd’hui font partie intégrante du modèle scolaire national, tous paliers confondus, continuent à être assurés. Et professeurs et tuteurs pensent alors que la continuité scolaire est ainsi assurée.
Et si, d’aventure, le gel des enseignements se prolongeait, il y aurait toujours le recours à la limitation à la partie effectivement dispensée du programme soumis à évaluation ou examen. Depuis quelques années que les partenaires de l’Éducation nationale s’affrontent sur le terrain social et des carrières, sur celui de l’organisation de l’année scolaire et des aspects quantitatifs des programmes scolaires, il n’a jamais été question de l’École dans sa finalité et, donc, de son contenu et de ses méthodes. Il y a comme un consensus autour d’un fait accompli scolaire. Si ce ne sont les séminaires professionnels où la hiérarchie pédagogique vient régulièrement réitérer ses directives méthodologiques.
Tous les concernés — gouvernement, corporations professionnelles, associations de parents d’élèves — semblent convenir d’une politique éducative que, par ailleurs, toutes les études condamnent. Et dont les implications quant à la qualité de la formation de générations d’Algériens se ressentent jusque dans le fonctionnement et le produit de l’université.
Autant de problèmes à l’École ne servent-ils pas, finalement, à dissimuler le vieux et tragique problème qu’est celui de l’École ?